Ruine de l'église de Schoonderloo
Cet artiste peu connu s’est formé à Amsterdam
auprès de Pieter Barbiers (1748-1842),
un behangselschilder, c’est-à-dire un peintre
de décors d’intérieur[1]. Visser peint et dessine
des paysages, des peintures de genre et des
portraits et vit surtout à Oldemarkt, dans la
province Overijssel. Le biographe Johannes
Immerzeel le mentionne dans ses écrits[2]. De
nombreux dessins de la main de cet artiste
sont conservés au musée Teylers de Haarlem
mais une grande partie de son oeuvre – et cela
est valable pour nombre de dessins du patrimoine
hollandais du XIXe siècle – est conservée
dans des collections privées. Le 10 octobre
1983, l’un de ses dessins, Paysage bordé par une
rivière avec une barque, est passé en vente à
Paris (n°34).
Le site dessiné ici est l’église de Schoonderloo,
entre Rotterdam et Delftshaven. Cette localité
a disparu aujourd’hui et se confond avec
l’agglomération de Rotterdam comme d’ailleurs
la ville voisine, Delftshaven. Schoonderloo
était jadis dominée par son église, parfois
appelée Saint-Job, mais selon E. Wiersum[3], elle
serait plutôt consacrée à saint Sébastien. Cet édifice, ruiné par les Espagnols en 1572, est
entièrement détruit au début du XIXe siècle. Ses
pierres sont ensuite utilisées pour construire
la route vers Schiedam et le terrain autour sert
de cimetière. Cette église ruinée est, comme
le château de Brederode, près de Haarlem, le
« Huis de Merwede » près de Dordrecht, ou
encore l’abbaye d’Egmond près d’Alkmaar, un
monument qui symbolise la lutte d’indépendance
de la Hollande et les malheurs infligés
par les troupes espagnoles lors de la guerre de
Quatre-Vingts Ans. Les archives de la ville de
Rotterdam (Stadsarchief) conservent six dessins
du XVIIIe siècle représentant tous l’église de
Schoonhoven en ruine. Ils sont l’oeuvre d’Aert
Schouman, de Gerard van Nijmegen (dessin et
gravure), de Gerrit van Smak, de D. Welle, de
Gerrit Groenewegen et de Henrik Spilman.
Le dessin de Grenoble est un beau témoignage
des contradictions qui agitent l’art hollandais
vers 1800. En effet, toute cette génération
d’artistes oscille entre notations rapides sur le
motif et dessins pittoresques et finis, observation
d’après nature et imitation des grands
maîtres hollandais du passé. Longtemps, ce sont les dessins soigneusement travaillés qui
ont intéressé les collectionneurs, aujourd’hui
ce sont plutôt les feuilles croquées d’après
nature, comme celle-ci, qui ont leur préférence.
Les clairs-obscurs marqués, indice d’une belle
journée d’été, suggèrent que Visser connaît
les compositions des Hollandais italianisants.
Celles-ci sont bien représentées à Grenoble et
proviennent souvent de la collection Mesnard,
signe d’un goût particulier du collectionneur
pour la lumière méridionale. Outre un
dessin de Van Drielst (MG D 159), la collection
de Grenoble conserve d’autres paysages
hollandais du XVIIIe siècle, de Willem Uppink
(MG D 1825 et 1826), de Johann Christian
Bendorp (MG D 1682), de J. Van Liender
(MG D 1828) ou encore un dessin anonyme retravaillé par Aert Schouman4 (MG D 1513).
Longtemps ignorés, ces artistes attirent de plus
en plus l’attention des chercheurs d’autant que
les beaux dessins du siècle précédent se font
rares sur le marché.
Il ne faut pas confondre Pier Johannes de Visser
avec le Haarlémois Johannes Pieter Visser
Bender, paysagiste et dessinateur de figures,
artiste disparu très jeune[5].
[1] La collection de Grenoble conserve un beau dessin recto verso de ce genre illustrant un paysage et un bouquet de fleurs de la main de Juriaen Andriessen (MG D 1470). Cet artiste est très recherché aujourd’hui.
[2] Immerzeel, III, p. 199.
[3] Wiersum, 1919, p. 60-64.
[4] Nous remercions Charles Dumas pour cette attribution.
[5] Voir R. J. A. te Rijdt, « Johannes Pieter Visser Bender », Delineavit et Sculpsit, n° 4, 1990, p. 31.
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