Tombe antique sur la Via Appia

Le catalogue raisonné d’Herman van Swanevelt,
ouvrage impressionnant publié par Anne
Charlotte Steland en 2010, fait le point sur cet
artiste célèbre qui joue un rôle notable dans les
années 1630 et 1640, aussi bien à Rome, où il
s’installe dès 1629, qu’à Paris, où il habite à partir
de 1641. Dezallier d’Argenville remarque
que « rarement les collections de tableaux se
trouvent dénuées des ouvrages de Herman »,
ce que confirme l’étude des inventaires réalisée
chez les amateurs parisiens[1].
L’artiste travaille comme peintre, dessinateur
et surtout comme graveur, pour le compte des
plus grands commanditaires italiens et européens,
ecclésiastiques, nobles ou riches bourgeois.
« Peintre ordinaire du roi » à partir de
1644, il entre à l’Académie royale de peinture
et de sculpture à Paris en 1651. Entre 1641 et
1655, date de son décès dans cette ville, il fait
de fréquents allers-retours entre la France et les
Pays-Bas où il a une clientèle importante, amatrice
de ses paysages méridionaux, peuplés de
petites figures champêtres et parfois animés de
petites scènes historiques. Ses oeuvres sont en
effet très prisées dans cette Europe du milieu du
XVIIe siècle. Jusqu’au début du XIXe siècle, Swanevelt
figure parmi les peintres hollandais les
plus célèbres, et Goethe loue encore ses compositions
gravées dans ses fameux entretiens avec
Eckermann[2]. Le poète est sensible à l’harmonie
et à la sérénité que dégagent ses oeuvres et il étudie
minutieusement sa manière de distribuer les ombres et les lumières, sa façon de rendre
les arbres et les feuilles et de créer des compositions
séduisantes pour l’oeil.
À la fin de sa vie, en 1653, Swanevelt publie
à Paris une série d’eaux-fortes intitulées
Diverses vues dedans et dehors de Rome. L’artiste
grave lui-même une grande partie des
planches en se basant sur des dessins faits à
Rome. Ces plaques très célèbres ont été réutilisées
par la suite, et le nombre de tirages en est
considérable. Ainsi que l’a déjà établi Marcel
Roethlisberger en 1977, le dessin de Grenoble
prépare une des planches de cette série, intitulée
Sépultura in Viea apia (sic). Il indique à
juste titre qu’il existe un autre dessin presque
identique, une sorte d’étape intermédiaire, au
musée des Offices à Florence[3]. Fait
notable, cinquante-trois dessins préparatoires
aux quatre-vingt-dix gravures de Swanevelt
sont conservés aux Offices. Le dessin de Grenoble
est une étude d’après nature, rapidement
exécutée, que l’artiste a détaillée et transcrite
dans un style plus précis et « joli » dans le
dessin des Offices. Selon l’inscription apposée
sous la gravure, Swanevelt représente ici une
tombe sur la Via Appia, la fameuse route qui
relie Rome à Naples.
Dans l’Antiquité, les tombes que les Romains
ont coutume d’ériger le long des voies sont,
au XVIIe siècle, des sites très prisés par les touristes
et des motifs appréciés par les artistes. Le
long de la Via Appia se trouve notamment la
fameuse sépulture des Horaces et des Curiaces.
À l’époque, les visiteurs connaissent la sombre
histoire de ces deux familles ennemies grâce à
leur cours d’histoire latine.
Le site visible sur cette feuille n’est plus localisé
aujourd’hui. Probablement abrite-t-il à
l’époque une taverne qui forme un contraste
pittoresque avec le monumental tombeau
visible sur la gauche. Il est fascinant de voir
comment Swanevelt, afin de faciliter le travail
du graveur, renforce dans le dessin de Florence
les contrastes de clair-obscur. Il entre aussi
plus dans les détails et ajoute des hachures et
des taches de lavis qui ne se trouvent pas sur la
version étudiée ici. Sur la version florentine, il
agrandit sa composition à droite en ajoutant
des voyageurs sous le toit de la taverne. Ces
derniers sont absents dans le dessin de Grenoble, mais on ne peut exclure que celui-ci ait
pu être coupé dans sa partie droite.
Deux autres études d’après nature faites à
Rome par Swanevelt dans les années 1630
sont conservées dans la collection (MG D 1784
et MG D 1785). Ces trois feuilles font peut-être
partie du même lot, provenant sans doute de
l’atelier de l’artiste. Une fois de plus, Léonce
Mesnard a pu acquérir ces dessins grâce à son
intuition et probablement pour un prix assez
modique car que sait-on, à son époque, des
dessins d’après nature de Swanevelt ?
[1] Voir Szanto, 2003, p. 199-205.
[2] Délerot et Saint-Beuve, 1863, II, p. 312 : « Chez ce peintre plus que chez les autres, l’art est un goût et le goût est un art. Il ressent un amour profond pour la nature, et il y a en lui une paix divine qui se communique à nous quand nous contemplons ses oeuvres. »
[3] Gabinetto disegni e stampe degli Uffizi, Inv. n° 732 P.
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