Tombe antique sur la Via Appia

Herman VAN SWANEVELT
vers 1630?
Plume et encre brune, lavis d'encres grise et brune, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vergé beige
12 x 18,7 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3548, n°1763)

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Le catalogue raisonné d’Herman van Swanevelt, ouvrage impressionnant publié par Anne Charlotte Steland en 2010, fait le point sur cet artiste célèbre qui joue un rôle notable dans les années 1630 et 1640, aussi bien à Rome, où il s’installe dès 1629, qu’à Paris, où il habite à partir de 1641. Dezallier d’Argenville remarque que « rarement les collections de tableaux se trouvent dénuées des ouvrages de Herman », ce que confirme l’étude des inventaires réalisée chez les amateurs parisiens[1].
L’artiste travaille comme peintre, dessinateur et surtout comme graveur, pour le compte des plus grands commanditaires italiens et européens, ecclésiastiques, nobles ou riches bourgeois. « Peintre ordinaire du roi » à partir de 1644, il entre à l’Académie royale de peinture et de sculpture à Paris en 1651. Entre 1641 et 1655, date de son décès dans cette ville, il fait de fréquents allers-retours entre la France et les Pays-Bas où il a une clientèle importante, amatrice de ses paysages méridionaux, peuplés de petites figures champêtres et parfois animés de petites scènes historiques. Ses oeuvres sont en effet très prisées dans cette Europe du milieu du XVIIe siècle. Jusqu’au début du XIXe siècle, Swanevelt figure parmi les peintres hollandais les plus célèbres, et Goethe loue encore ses compositions gravées dans ses fameux entretiens avec Eckermann[2]. Le poète est sensible à l’harmonie et à la sérénité que dégagent ses oeuvres et il étudie minutieusement sa manière de distribuer les ombres et les lumières, sa façon de rendre les arbres et les feuilles et de créer des compositions séduisantes pour l’oeil.
À la fin de sa vie, en 1653, Swanevelt publie à Paris une série d’eaux-fortes intitulées Diverses vues dedans et dehors de Rome. L’artiste grave lui-même une grande partie des planches en se basant sur des dessins faits à Rome. Ces plaques très célèbres ont été réutilisées par la suite, et le nombre de tirages en est considérable. Ainsi que l’a déjà établi Marcel Roethlisberger en 1977, le dessin de Grenoble prépare une des planches de cette série, intitulée Sépultura in Viea apia (sic). Il indique à juste titre qu’il existe un autre dessin presque identique, une sorte d’étape intermédiaire, au musée des Offices à Florence[3]. Fait notable, cinquante-trois dessins préparatoires aux quatre-vingt-dix gravures de Swanevelt sont conservés aux Offices. Le dessin de Grenoble est une étude d’après nature, rapidement exécutée, que l’artiste a détaillée et transcrite dans un style plus précis et « joli » dans le dessin des Offices. Selon l’inscription apposée sous la gravure, Swanevelt représente ici une tombe sur la Via Appia, la fameuse route qui relie Rome à Naples.
Dans l’Antiquité, les tombes que les Romains ont coutume d’ériger le long des voies sont, au XVIIe siècle, des sites très prisés par les touristes et des motifs appréciés par les artistes. Le long de la Via Appia se trouve notamment la fameuse sépulture des Horaces et des Curiaces. À l’époque, les visiteurs connaissent la sombre histoire de ces deux familles ennemies grâce à leur cours d’histoire latine.
Le site visible sur cette feuille n’est plus localisé aujourd’hui. Probablement abrite-t-il à l’époque une taverne qui forme un contraste pittoresque avec le monumental tombeau visible sur la gauche. Il est fascinant de voir comment Swanevelt, afin de faciliter le travail du graveur, renforce dans le dessin de Florence les contrastes de clair-obscur. Il entre aussi plus dans les détails et ajoute des hachures et des taches de lavis qui ne se trouvent pas sur la version étudiée ici. Sur la version florentine, il agrandit sa composition à droite en ajoutant des voyageurs sous le toit de la taverne. Ces derniers sont absents dans le dessin de Grenoble, mais on ne peut exclure que celui-ci ait pu être coupé dans sa partie droite.
Deux autres études d’après nature faites à Rome par Swanevelt dans les années 1630 sont conservées dans la collection (MG D 1784 et MG D 1785). Ces trois feuilles font peut-être partie du même lot, provenant sans doute de l’atelier de l’artiste. Une fois de plus, Léonce Mesnard a pu acquérir ces dessins grâce à son intuition et probablement pour un prix assez modique car que sait-on, à son époque, des dessins d’après nature de Swanevelt ?


[1] Voir Szanto, 2003, p. 199-205.
[2] Délerot et Saint-Beuve, 1863, II, p. 312 : « Chez ce peintre plus que chez les autres, l’art est un goût et le goût est un art. Il ressent un amour profond pour la nature, et il y a en lui une paix divine qui se communique à nous quand nous contemplons ses oeuvres. »
[3] Gabinetto disegni e stampe degli Uffizi, Inv. n° 732 P.

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