Paysage

Daniel Schellinks est le frère de Willem Schellinks
(1623-1678). Ce dernier est un paysagiste
bien connu, ayant voyagé à de multiples
reprises dans les pays les plus variés, notamment
en France où il séjourne en 1645-1646
et encore quinze ans plus tard, en 1661-1662.
En revanche, Daniel Schellinks est bien moins
connu aujourd’hui, même s’il jouit d’une
certaine réputation de son vivant. Il se range
parmi les artistes amateurs. Quelques-uns de
ses tableaux sont conservés au Bowes Museum
à Barnard Castle et à la pinacothèque de Turin
alors que l’Albertina à Vienne, le cabinet d’Art
graphique de Bruxelles et le Courtauld Institute
à Londres possèdent plusieurs de ses dessins.
Sa biographie reste lacunaire. Lors de son
mariage, il se définit comme sylackenwinckelier
(marchand de soie) et semble avoir connu une
certaine prospérité. En effet, lorsqu’il rédige
son testament en 1664, il promet de léguer
à son frère Willem un album de dessins de
Simon de Vlieger[1].
La feuille de Grenoble constitue sans doute
l’une de ses oeuvres naer het leven, commencée
en plein air et terminée ensuite dans l’atelier,
où l’artiste ajoute les traits de plume et
les touches de lavis. Toute la partie gauche est
occupée par un talus boisé et Schellinks s’applique
à le structurer, à dessiner les buissons et les silhouettes des arbres qui se découpent
devant un ciel laiteux. La vue de la plaine à
droite permet à la feuille de « respirer » et un
minuscule berger l’anime. Le dessin de Grenoble,
extrait sans doute d’un livre d’esquisses
démembré depuis, reflète bien son style sans
artifice et sans prétention.
Daniel Schellinks utilise ses études pour
composer ses dessins finis et ses tableaux,
représentant souvent des scènes de chasse.
Stylistiquement, ses feuilles sont proches d’Anthonie
Waterloo et de Simon de Vlieger mais
par l’utilisation libre du lavis gris, elles s’apparentent
aussi aux dessins de Willem Schellinks.
Plusieurs oeuvres de Daniel Schellinks
se cachent sans doute sous ce dernier nom,
comme le montre la Route boisée avec un clocher
dans l’arrière-plan, dessin vendu
le 26 novembre 1984 chez Christie’s à Amsterdam
(n° 95). Cette oeuvre porte une annotation
correcte « D. Schellings » sur le montage.
Pieter Terwesten[2] raconte avoir vu un paysage
de sa main aussi bien peint que s’il était
de Wouwerman. De fait, la récente restauration
d’un paysage fluvial signé, conservé chez
le duc de Liechtenstein, a révélé chez l’artiste
une aptitude exceptionnelle pour le rendu des
effets lumineux, difficile à imaginer chez un
peintre aussi peu connu et qui montre bien
la familiarité de Schellinks avec la peinture de
paysage à Amsterdam vers 1660[3].
De nombreux dessinateurs amateurs sont actifs
durant le Siècle d’or, phénomène qui prend
une ampleur sans équivalent dans les Provinces-
Unies. Issus de grandes familles du pays
ou pratiquant un métier lucratif, ils ne sont pas
contraints de vivre de leur production artistique.
Daniel Schellinks en est un exemple mais
d’autres artistes comme lui sont à mentionner,
par exemple l’avocat Wigerus Vitringa avec
ses marines (MG D 1712) ou encore Constantijn
Huygens et ses vues de ville (MG D 642).
[1] Voir De Vries, 1883, p. 153.
[2] Pieter Terwesten, 1770, p. 77.
[3] Vaduz / Vienne, inv. GE 1408 ; cat. exp. Vienne, 2007-2008, n° 60, repr.
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