Paysage avec ruines

Cet ancien élève d’Abraham Bloemaert est
documenté à Rome dès 1617 et figure avec
Bartholomeus Breenbergh parmi les fondateurs
de l’influente et mythique association
des artistes néerlandais dans la Ville éternelle,
les Bentvueghels. Poelenburgh copie dans un
premier temps des fresques de Paul Bril qui
semble l’avoir aidé à s’introduire avec succès
auprès des grands mécènes italiens. On le
trouve autour de 1620 à Florence où il travaille
pour les Médicis et où il rencontre Jacques
Callot. Pourtant, jusqu’à son retour à Utrecht
vers 1625, Poelenburgh semble avoir surtout
habité Rome comme en témoignent ses dessins
à la plume et au lavis. La renommée de
l’artiste paraît avoir été grande à son retour
d’Italie car Rubens, accompagné de Sandrart,
lui rend visite dans son atelier en 1627.
Les dessins d’après nature de Poelenburgh
sont de magnifiques prolongations du style
de Bril vers davantage de spontanéité, de
fraîcheur et de naturel. Breenbergh, installé à
Rome dès 1619, et Poelenburgh sont les plus
brillants interprètes de cette manière, et le
mérite revient au premier d’avoir utilisé aussi
librement la pierre noire, la plume et le lavis.
À l’exception d’un voyage en Angleterre en
1637-1638, Poelenburgh reste très actif à
Utrecht jusqu’à sa mort, ainsi que le confirme
encore l’amateur lyonnais Balthasar de Monconys
qui lui rend visite en 1663[1]. Poelenburgh
reçoit au cours de sa vie de très belles commandes,
notamment de la famille d’Orange.
Ses sujets de prédilection sont les scènes
mythologiques et bibliques, empreintes d’une
certaine sensualité, comme ses nombreuses
Diane au bain ou ses pastorales idylliques
dans des paysages italianisants. La manière
émaillée et lisse de ses peintures fascine encore
aujourd’hui. Souvent réalisées sur cuivre,
ces oeuvres ont connu un très grand succès,
comme le montrent les travaux de ses nombreux
suiveurs comme Daniel Vertangen,
Dirck van der Lisse, Johan van Haensbergen.
Les biographes anciens n’hésitent pas à définir
l’art de Poelenburgh comme une synthèse de
paysages d’Adam Elsheimer et de personnages
inspirés de Raphaël.
Le dessin de Grenoble fait partie d’un groupe
de vingt-cinq feuilles environ que le spécialiste
de l’artiste, Alan Chong, appelle les Gray wash
landscapes datant de sa longue période d’une
quarantaine d’années passées à Utrecht. Tous
les dessins de ce groupe montrent des motifs
italianisants et Chong pense que ces feuilles
ont servi soit de répertoire de modèles à son
vaste atelier, soit de dessins de présentation
aux amateurs[2].
Très souvent, ces paysages dessinés apparaissent
dans ses peintures. Pour les figures
humaines, l’artiste a plutôt réalisé des études à
la sanguine. Ainsi, comme l’a découvert Marcel
Roethlisberger, le dessin de Grenoble a été
utilisé pour une petite représentation monogrammée,
illustrant la première rencontre
entre Ulysse et Nausicaa : ce tableautin
sur bois est conservé à la Whitworth Art
Gallery de l’université de Manchester[3].
Ces vingt-cinq dessins sont-ils préparatoires
aux peintures, comme le pense Chong ? Déjà
Luijten et Jansen ont exprimé des doutes en
1988[4] car leur caractère décoratif, la méticulosité
de leur exécution, le sage maniement
du graphite et l’application soignée du lavis
plaident plutôt en faveur d’un élève de l’artiste.
Bien que le dessin de Grenoble soit d’une
très grande qualité, sa technique n’a rien de
commun avec ce que Poelenburgh dessine
d’une manière spontanée en Italie.
L’artiste demande sans doute à ses élèves de
faire des copies d’après ses peintures, sans
prendre en compte les figures humaines.
Ainsi apprend-il à ses élèves l’art d’agencer les
rochers et les arbres dans leurs compositions et
les familiarise-t-il, par le biais de la copie, avec
les paysages italianisants – surtout lorsque les
apprentis ne connaissent pas (encore) l’Italie.
Le but de ces copies d’atelier est de réussir
à créer un cadre naturel pour y intégrer des
petites scènes historiques ou simplement de
genre, de réaliser des compositions agréables
alors tant recherchées par les amateurs.
[1] Marsy, 1880, p. 35.
[2] Chong, 1987.
[3] Wright, 1983, n° 9.
[4] Cat. exp. Rotterdam, 1988 (b), n° 62, voir aussi Schatborn, 2001, p. 64-65.
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