Paysage avec ruines

Cornelis VAN POELENBURGH (atelier de)
après 1625
Lavis d'encre grise sur dessin sous-jacent au graphite, trait d'encadrement au graphite sur papier vergé crème
20,9 x 29,3 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 4538, n°1795).

Voir sur navigart

Cet ancien élève d’Abraham Bloemaert est documenté à Rome dès 1617 et figure avec Bartholomeus Breenbergh parmi les fondateurs de l’influente et mythique association des artistes néerlandais dans la Ville éternelle, les Bentvueghels. Poelenburgh copie dans un premier temps des fresques de Paul Bril qui semble l’avoir aidé à s’introduire avec succès auprès des grands mécènes italiens. On le trouve autour de 1620 à Florence où il travaille pour les Médicis et où il rencontre Jacques Callot. Pourtant, jusqu’à son retour à Utrecht vers 1625, Poelenburgh semble avoir surtout habité Rome comme en témoignent ses dessins à la plume et au lavis. La renommée de l’artiste paraît avoir été grande à son retour d’Italie car Rubens, accompagné de Sandrart, lui rend visite dans son atelier en 1627.
Les dessins d’après nature de Poelenburgh sont de magnifiques prolongations du style de Bril vers davantage de spontanéité, de fraîcheur et de naturel. Breenbergh, installé à Rome dès 1619, et Poelenburgh sont les plus brillants interprètes de cette manière, et le mérite revient au premier d’avoir utilisé aussi librement la pierre noire, la plume et le lavis. À l’exception d’un voyage en Angleterre en 1637-1638, Poelenburgh reste très actif à Utrecht jusqu’à sa mort, ainsi que le confirme encore l’amateur lyonnais Balthasar de Monconys qui lui rend visite en 1663[1]. Poelenburgh reçoit au cours de sa vie de très belles commandes, notamment de la famille d’Orange. Ses sujets de prédilection sont les scènes mythologiques et bibliques, empreintes d’une certaine sensualité, comme ses nombreuses Diane au bain ou ses pastorales idylliques dans des paysages italianisants. La manière émaillée et lisse de ses peintures fascine encore aujourd’hui. Souvent réalisées sur cuivre, ces oeuvres ont connu un très grand succès, comme le montrent les travaux de ses nombreux suiveurs comme Daniel Vertangen, Dirck van der Lisse, Johan van Haensbergen. Les biographes anciens n’hésitent pas à définir l’art de Poelenburgh comme une synthèse de paysages d’Adam Elsheimer et de personnages inspirés de Raphaël.
Le dessin de Grenoble fait partie d’un groupe de vingt-cinq feuilles environ que le spécialiste de l’artiste, Alan Chong, appelle les Gray wash landscapes datant de sa longue période d’une quarantaine d’années passées à Utrecht. Tous les dessins de ce groupe montrent des motifs italianisants et Chong pense que ces feuilles ont servi soit de répertoire de modèles à son vaste atelier, soit de dessins de présentation aux amateurs[2].
Très souvent, ces paysages dessinés apparaissent dans ses peintures. Pour les figures humaines, l’artiste a plutôt réalisé des études à la sanguine. Ainsi, comme l’a découvert Marcel Roethlisberger, le dessin de Grenoble a été utilisé pour une petite représentation monogrammée, illustrant la première rencontre entre Ulysse et Nausicaa : ce tableautin sur bois est conservé à la Whitworth Art Gallery de l’université de Manchester[3].
Ces vingt-cinq dessins sont-ils préparatoires aux peintures, comme le pense Chong ? Déjà Luijten et Jansen ont exprimé des doutes en 1988[4] car leur caractère décoratif, la méticulosité de leur exécution, le sage maniement du graphite et l’application soignée du lavis plaident plutôt en faveur d’un élève de l’artiste. Bien que le dessin de Grenoble soit d’une très grande qualité, sa technique n’a rien de commun avec ce que Poelenburgh dessine d’une manière spontanée en Italie.
L’artiste demande sans doute à ses élèves de faire des copies d’après ses peintures, sans prendre en compte les figures humaines. Ainsi apprend-il à ses élèves l’art d’agencer les rochers et les arbres dans leurs compositions et les familiarise-t-il, par le biais de la copie, avec les paysages italianisants – surtout lorsque les apprentis ne connaissent pas (encore) l’Italie. Le but de ces copies d’atelier est de réussir à créer un cadre naturel pour y intégrer des petites scènes historiques ou simplement de genre, de réaliser des compositions agréables alors tant recherchées par les amateurs.


[1] Marsy, 1880, p. 35.
[2] Chong, 1987.
[3] Wright, 1983, n° 9.
[4] Cat. exp. Rotterdam, 1988 (b), n° 62, voir aussi Schatborn, 2001, p. 64-65.

Découvrez également...