Paysage

Jacob Symonsz. PYNAS
1627
Plume et encre brune, lavis d'encres brune et grise sur dessin sous-jacent au graphite, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vergé crème, contrecollé en plein sur un papier vergé crème
17 x 22 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3548, n°1839)

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Avec son frère aîné Jan, son beau-frère Tengnagel, Pieter Lastman et Claes Moeyaert (MG D 251), Jacob Pynas est à l’origine de la peinture d’histoire à Amsterdam. Tout ce groupe est profondément marqué par les nouvelles expériences artistiques romaines du début du XVIIe siècle, d’Adam Elsheimer, Caravage, les Carrache ou encore Saraceni. Il est intéressant de voir que ces artistes, dits prérembranesques, n’ont pendant très longtemps été étudiés qu’en raison de leurs liens avec le grand Rembrandt, élève de Lastman et, selon Houbraken, de Jacob Pynas. L’art direct, puissant et monumental, de Rembrandt se nourrit en effet directement de ses maîtres, comme le montre par exemple sa Lapidation de saint Étienne de 1625, conservée au musée des beaux-arts de Lyon, dont la tonalité générale brunâtre et les architectures ne sont pas sans rappeler l’art de Jacob Pynas.
Ce n’est qu’en 1984 que Dudok van Heel et Giskes ont pu établir avec conviction la date de naissance de Jacob Pynas vers 1592-1593[1]. L’idée largement répandue qu’il séjourne avec son frère Jan à Rome vers 1605 n’est plus retenue aujourd’hui. L’artiste semble avoir mené une vie itinérante : il est documenté à Amsterdam en 1608, à La Haye en 1622, à Leyde un peu avant 1626, à Delft entre 1632 et 1639 et enfin à Amsterdam entre 1641 et 1643. Trois historiens ont constitué le corpus de ses dessins : Kurt Bauch (1937), Georges Keyes (1980) et Peter Schatborn ; ce dernier, à la suite de Roethlisberger et Meyer (1977), a replacé le dessin de Grenoble dans la production de l’artiste. La particularité de Jacob Pynas, c’est d’avoir regardé de près les compositions de Paul Bril et de placer ses sujets historiques dans de vastes paysages. Pynas exécute aussi des dessins d’histoire, des études de figures ou de têtes. Il se sert de la plume d’une manière très calligraphique et soignée mais adopte aussi un style plus rapide, toujours à la plume, la sanguine et la pierre noire. On connaît de sa main également des grisailles, notamment une datée de 1636 et conservée à la Fondation Custodia[2].
La composition de Grenoble montre une vieille ferme dans des ruines antiques, avec une fontaine devant. Le pittoresque domine la scène : le paysage, cadré au premier plan par cette grande falaise à gauche, plongée dans d’ombre, s’ouvre sur l’espace savamment illuminé du chemin et de la ferme. Jacob Pynas s’efforce de donner une vision uniforme du paysage en essayant de lier les plans entre eux. Sa main est bien reconnaissable, comme l’indique Peter Schatborn[3], en particulier dans les oiseaux dessinés dans le ciel. Il se sert de puissantes hachures parallèles pour structurer les nombreux rochers mais tend parfois à plus de naturel, effaçant les réminiscences trop théâtrales et artificielles des paysages de Bril du début du siècle. Son style rappelle l’art du graveur mais Pynas n’a jamais travaillé dans cette technique. Le musée du Louvre conserve de lui un Paysage avec Jupiter et l'Amour qui est stylistiquement très proche du dessin de Grenoble avec cette même tentative de ne pas trop isoler les personnages principaux du reste du paysage [4].
Comme dans le cas d’autres artistes prérembranesques, la chronologie de ses oeuvres est difficile à établir. En effet, ceux-ci, comme Moeyaert par exemple, reprennent souvent des inventions à des dates plus tardives. Pynas évolue dès le début des années 1630 vers la figure humaine – peut-être inspiré par Bramer lors de son séjour à Delft, comme le souligne Peter Schatborn –, mais il revient à la fin de sa vie vers des paysages historiques rappelant ceux de ses débuts[5].


[1] Dudok van Heel et Giskes, 1984, p. 13-37.
[2] Apollon et Daphné, 20,3 x 27 cm, Inv. 3954.
[3] Voir Schatborn, 1997, p. 5.
[4] Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques, Inv. RF 5573, voir Schatborn, 1997, p. 4, repr. p. 5.
[5] Schatborn, 1997, p. 16-17.

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