Paysage

Avec son frère aîné Jan, son beau-frère Tengnagel,
Pieter Lastman et Claes Moeyaert (MG D 251),
Jacob Pynas est à l’origine de la peinture d’histoire
à Amsterdam. Tout ce groupe est profondément
marqué par les nouvelles expériences
artistiques romaines du début du XVIIe siècle,
d’Adam Elsheimer, Caravage, les Carrache ou
encore Saraceni. Il est intéressant de voir que
ces artistes, dits prérembranesques, n’ont pendant
très longtemps été étudiés qu’en raison
de leurs liens avec le grand Rembrandt, élève
de Lastman et, selon Houbraken, de Jacob
Pynas. L’art direct, puissant et monumental,
de Rembrandt se nourrit en effet directement
de ses maîtres, comme le montre par exemple
sa Lapidation de saint Étienne de 1625, conservée
au musée des beaux-arts de Lyon, dont la
tonalité générale brunâtre et les architectures
ne sont pas sans rappeler l’art de Jacob Pynas.
Ce n’est qu’en 1984 que Dudok van Heel et
Giskes ont pu établir avec conviction la date
de naissance de Jacob Pynas vers 1592-1593[1].
L’idée largement répandue qu’il séjourne avec
son frère Jan à Rome vers 1605 n’est plus retenue
aujourd’hui. L’artiste semble avoir mené
une vie itinérante : il est documenté à Amsterdam
en 1608, à La Haye en 1622, à Leyde un
peu avant 1626, à Delft entre 1632 et 1639 et enfin
à Amsterdam entre 1641 et 1643. Trois
historiens ont constitué le corpus de ses dessins
: Kurt Bauch (1937), Georges Keyes (1980)
et Peter Schatborn ; ce dernier, à la suite de
Roethlisberger et Meyer (1977), a replacé le dessin
de Grenoble dans la production de l’artiste.
La particularité de Jacob Pynas, c’est d’avoir
regardé de près les compositions de Paul Bril
et de placer ses sujets historiques dans de
vastes paysages. Pynas exécute aussi des dessins
d’histoire, des études de figures ou de
têtes. Il se sert de la plume d’une manière très
calligraphique et soignée mais adopte aussi
un style plus rapide, toujours à la plume, la
sanguine et la pierre noire. On connaît de sa
main également des grisailles, notamment
une datée de 1636 et conservée à la Fondation
Custodia[2].
La composition de Grenoble montre une
vieille ferme dans des ruines antiques, avec
une fontaine devant. Le pittoresque domine la
scène : le paysage, cadré au premier plan par
cette grande falaise à gauche, plongée dans
d’ombre, s’ouvre sur l’espace savamment illuminé
du chemin et de la ferme. Jacob Pynas
s’efforce de donner une vision uniforme du
paysage en essayant de lier les plans entre eux.
Sa main est bien reconnaissable, comme l’indique Peter Schatborn[3], en particulier dans
les oiseaux dessinés dans le ciel. Il se sert de
puissantes hachures parallèles pour structurer
les nombreux rochers mais tend parfois à
plus de naturel, effaçant les réminiscences trop
théâtrales et artificielles des paysages de Bril
du début du siècle. Son style rappelle l’art du
graveur mais Pynas n’a jamais travaillé dans
cette technique. Le musée du Louvre conserve
de lui un Paysage avec Jupiter et l'Amour qui
est stylistiquement très proche du dessin de
Grenoble avec cette même tentative de ne pas
trop isoler les personnages principaux du reste
du paysage [4].
Comme dans le cas d’autres artistes prérembranesques, la chronologie de ses oeuvres est
difficile à établir. En effet, ceux-ci, comme
Moeyaert par exemple, reprennent souvent
des inventions à des dates plus tardives. Pynas
évolue dès le début des années 1630 vers la
figure humaine – peut-être inspiré par Bramer
lors de son séjour à Delft, comme le souligne
Peter Schatborn –, mais il revient à la fin de
sa vie vers des paysages historiques rappelant
ceux de ses débuts[5].
[1] Dudok van Heel et Giskes, 1984, p. 13-37.
[2] Apollon et Daphné, 20,3 x 27 cm, Inv. 3954.
[3] Voir Schatborn, 1997, p. 5.
[4] Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques, Inv. RF 5573, voir Schatborn, 1997, p. 4, repr. p. 5.
[5] Schatborn, 1997, p. 16-17.
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