Homme debout
Carel du Jardin figure parmi les peintres hollandais
italianisants les plus célèbres de son
temps. Il appartient à la génération d’artistes
comme Jan Both ou Nicolaes Berchem, actifs
après les séjours italiens de Cornelis van Poelenburgh
ou Bartholomeus Breenberg. Personne
n’arrive comme lui à rendre dans ses
paysages les subtils dégradés de la lumière
italienne. Après avoir passé plusieurs années
en France où il se marie, il rentre à Amsterdam.
Paradoxalement, s’il n’y avait pas le
beau dessin représentant la place Sainte-Marie-
Majeure, monogrammé et daté de 1653,
un voyage en Italie au début de la carrière de
Carel du Jardin serait difficile à déterminer[1].
En dehors d’un court séjour à La Haye entre
1656 et 1658, sa carrière se déroule essentiellement
à Amsterdam. En 1678, il repart pour
l’Italie et y meurt.
La plupart des dessins de Du Jardin représentent
des paysages, animés par quelques
voyageurs et bergers accompagnés de leurs Ils sont préparatoires à des peintures
ou gravures et sont parfois destinés au
marché de l’art. Outre quelques portraits à
la sanguine, plusieurs études de figures sont
connues ainsi que des études animalières.
Le dessin de Grenoble a été identifié en 1977
par Marcel Roethlisberger alors qu’il était
attribué depuis son entrée au musée de Grenoble
au peintre de genre Cornelis Bega. Il a
pu reconnaître le même jeune homme dans
un Paysage italianisant du Kunstmuseum
à Bâle, attribué à Du Jardin et daté de 1657,
vraisemblablement une copie d’après un original
perdu (Inv. Nr. 1510). L’artiste s’attache surtout
à tracer vigoureusement les contours du
dos de l’homme sans entrer dans les détails. Il
joue sur la sinuosité de la ligne et ce n’est pas la
plasticité des formes qui l’intéresse.
Le dessin de Grenoble forme un groupe à part
avec quatre autres études, dont une conservée
à Copenhague, au Statens Museum for Kunst,
qui prépare un tableau récemment vendu à
Londres[2]. On peut aussi le rapprocher d’un
dessin de Du Jardin à Boston, dans la collection
Abrams, et d’un autre à Bruxelles, où se
trouve aussi une contre-épreuve. Schatborn et
Robinson constatent que le modèle des quatre
dessins est en effet sensiblement le même. L’artiste
se sert donc de ses études pour les insérer
ensuite dans ses paysages italianisants. Comme
dans le cas d’autres Hollandais ayant fait le
voyage d’Italie, l’importance des personnages
n’est pas à négliger et, dans les inventaires et
catalogues du passé, leurs actions sont souvent
décrites ; aussi, les historiens de l’art et les
amateurs d’aujourd’hui qualifient parfois trop
rapidement ces peintres de « paysagistes ».
La collection de Grenoble conserve un autre
dessin, entré sous le nom du rare peintre italianisant
et animalier Jan Le Ducq (vers 1629-
vers 1676), inventorié plus tard comme une
oeuvre de Jacob Duck. Il représente sans doute
un homme jouant au jeu de morra (MG D 1698).
La feuille peut être rapprochée des études
d’hommes de Du Jardin. On y retrouve le
même dessin sûr pour modeler le corps et les
vêtements, le même souci du détail, comme les
cheveux ondulés et les doigts, mais on ne peut
la rapprocher d’aucun tableau, de sorte que la
prudence nous conduit à seulement attribuer
l’oeuvre à Du Jardin.
[1] Paris, Fondation Custodia, Inv. n° 2778.
[2] Londres, vente Sotheby’s, 5 décembre 2007, n° 15.
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