Ruines du Palatin

Le mérite d’avoir identifié le sujet du dessin
de Grenoble revient sans conteste à Marcel
Roethlisberger. Il s’agit d’une vue inspirée de
la Via dei Cerchi au pied du Palatin. On reconnaît
bien au premier plan les grands arcs en
brique, formant la puissante substructure
des palais des empereurs romains, construite
par Septime Sévère. Le même motif a d’ailleurs
inspiré d’autres artistes néerlandais,
avec quelques variantes[1] : citons par exemple
Herman van Swanevelt, qui consacre à ce site
une gravure inversée par rapport au dessin de
Grenoble[2], ou encore Jan Frans van Bloemen[3].
Le contraste avec la Rome contemporaine, qui
s’exprime par les petites bâtisses pittoresques
parasitant cette ruine imposante, est saisissant.
Cette opposition entre la grandeur du passé et
la médiocrité des temps présents est en effet
un sujet récurrent chez les peintres de ruines.
Encore récemment attribué à Jan Asselijn,
le dessin de Grenoble revient plutôt à Willem
Romeyn comme nous le suggère Peter
Schatborn que nous remercions pour cette
attribution. Le trait tendre, l’atmosphère un
peu diffuse et le dessin des paysans au premier
plan sont plus compatibles avec Romeyn
qu’avec les oeuvres sûres d’Asselijn qui
n’offrent aucun exemple comparable. Premier
élève de Berchem à Haarlem en 1642, Romeyn
rejoint la guilde de Saint-Luc en 1646. Vers
1650, il est documenté à Rome mais revient
dans sa ville natale en 1652. Plus tard, on rencontre
son nom comme spécialiste de peintures
aussi bien à Haarlem qu’à Amsterdam.
Il dessine de nombreuses pastorales rappelant Berchem, avec des paysans accompagnés de
leur bétail au premier plan.
À Leyde se trouve un Bord du Tibre[4], qui est
une version plus grande d’un dessin similaire
conservé à Amsterdam[5], signé et daté de 1666. La version de Leyde a été vraisemblablement
réalisée à Rome vers 1650-1651 alors
que l’exemple plus sommaire d’Amsterdam a
été exécuté quinze ans plus tard en Hollande.
Daté aussi des années romaines de l’artiste, la
feuille de Grenoble fait partie d’un groupe de
vues architecturales dessinées sur des grandes
feuilles doubles. Les bâtiments sont vus légèrement
de dessous et l’importance de l’architecture,
de l’aspect minéral, est à souligner ici.
Romeyn dessine les contours du paysage à la
pierre noire et ajoute ensuite avec un pinceau
les plages de lavis brun et gris. Pour les zones
ensoleillées, il joue sur le ton du papier avant
de reprendre avec un pinceau plus fin certains
détails. La composition en diagonale crée un
dynamisme et une tension attirant le regard
du spectateur vers l’arrière-plan. Particulièrement
ingénieuse, cette mise en page créant de
la profondeur et de l’espace est caractéristique
des paysagistes hollandais comme Salomon
van Ruysdael. L’eau, le ciel et la végétation hollandaise
sont ici remplacés par le soleil et la
pierre.
[1] Pour une liste complète des dessins et gravures, voir Oehler, 1997, n° 21.
[2] Bartsch, n° 86.
[3] Voir Busiri Vici, 1974, n° 23d.
[4] Leyde, Prentenkabinet van de Universiteit, AW 283.
[5] Amsterdam, Rijksprentenkabinet, Inv. A 4555.
Découvrez également...
-
Composition n°115
1968 - 1971 -
-