Ruines du Palatin

Willem ROMEYN
vers 1650 - 1661
Pierre noire, lavis d'encres brune et grise, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vergé beige, pliure verticale au milieu du papier
28,1 x 38,6 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3548, n°1811).

Voir sur navigart

Le mérite d’avoir identifié le sujet du dessin de Grenoble revient sans conteste à Marcel Roethlisberger. Il s’agit d’une vue inspirée de la Via dei Cerchi au pied du Palatin. On reconnaît bien au premier plan les grands arcs en brique, formant la puissante substructure des palais des empereurs romains, construite par Septime Sévère. Le même motif a d’ailleurs inspiré d’autres artistes néerlandais, avec quelques variantes[1] : citons par exemple Herman van Swanevelt, qui consacre à ce site une gravure inversée par rapport au dessin de Grenoble[2], ou encore Jan Frans van Bloemen[3]. Le contraste avec la Rome contemporaine, qui s’exprime par les petites bâtisses pittoresques parasitant cette ruine imposante, est saisissant. Cette opposition entre la grandeur du passé et la médiocrité des temps présents est en effet un sujet récurrent chez les peintres de ruines. Encore récemment attribué à Jan Asselijn, le dessin de Grenoble revient plutôt à Willem Romeyn comme nous le suggère Peter Schatborn que nous remercions pour cette attribution. Le trait tendre, l’atmosphère un peu diffuse et le dessin des paysans au premier plan sont plus compatibles avec Romeyn qu’avec les oeuvres sûres d’Asselijn qui n’offrent aucun exemple comparable. Premier élève de Berchem à Haarlem en 1642, Romeyn rejoint la guilde de Saint-Luc en 1646. Vers 1650, il est documenté à Rome mais revient dans sa ville natale en 1652. Plus tard, on rencontre son nom comme spécialiste de peintures aussi bien à Haarlem qu’à Amsterdam. Il dessine de nombreuses pastorales rappelant Berchem, avec des paysans accompagnés de leur bétail au premier plan.
À Leyde se trouve un Bord du Tibre[4], qui est une version plus grande d’un dessin similaire conservé à Amsterdam[5], signé et daté de 1666. La version de Leyde a été vraisemblablement réalisée à Rome vers 1650-1651 alors que l’exemple plus sommaire d’Amsterdam a été exécuté quinze ans plus tard en Hollande. Daté aussi des années romaines de l’artiste, la feuille de Grenoble fait partie d’un groupe de vues architecturales dessinées sur des grandes feuilles doubles. Les bâtiments sont vus légèrement de dessous et l’importance de l’architecture, de l’aspect minéral, est à souligner ici. Romeyn dessine les contours du paysage à la pierre noire et ajoute ensuite avec un pinceau les plages de lavis brun et gris. Pour les zones ensoleillées, il joue sur le ton du papier avant de reprendre avec un pinceau plus fin certains détails. La composition en diagonale crée un dynamisme et une tension attirant le regard du spectateur vers l’arrière-plan. Particulièrement ingénieuse, cette mise en page créant de la profondeur et de l’espace est caractéristique des paysagistes hollandais comme Salomon van Ruysdael. L’eau, le ciel et la végétation hollandaise sont ici remplacés par le soleil et la pierre.


[1] Pour une liste complète des dessins et gravures, voir Oehler, 1997, n° 21.
[2] Bartsch, n° 86.
[3] Voir Busiri Vici, 1974, n° 23d.
[4] Leyde, Prentenkabinet van de Universiteit, AW 283.
[5] Amsterdam, Rijksprentenkabinet, Inv. A 4555.

Découvrez également...