Ruines romaines

Les rapports entre Breenbergh et la France
valent que l’on s’y attarde car l’artiste y jouit
d’une immense réputation au XVIIIe siècle et ses
oeuvres se trouvent dans les collections les plus
réputées. L’artiste est en effet depuis toujours
très apprécié en France comme le montrent les
nombreuses mentions dans les anciens catalogues
de vente. C’est peut-être sa parenté stylistique
avec son ami Claude Lorrain qui explique
cette présence dans les collections françaises.
Au début de leurs carrières, à Rome dans les
années 1620, Breenbergh et Claude Lorrain
sont proches, et cela est très sensible dans leur
manière de dessiner. En 1881, Havard constate
la dépréciation de son oeuvre au cours du
XIXe siècle. L’artiste tombe alors presque totalement
dans l’oubli, situation propice à l’acquisition,
par Mesnard, d’une impressionnante
série de dessins de Breenbergh : « Pendant
que les peintres au faire large et puissant, aux
empâtements solides, reprenaient le dessus, la
vogue se détournait des peintures minces et
lisses[1]. »
Dès le milieu des années 1620, Breenbergh et
Cornelis van Poelenburgh sont célèbres pour
leurs dessins, dans lesquels ils se montrent
sensibles à la lumière italienne. Selon le témoignage
de Sandrart, ils sillonnent ensemble,
accompagnés de Claude Lorrain, Rome et ses
environs, pour dessiner d’après nature. Aux
XVIIe et XVIIIe siècles, les dessins de Breenbergh
sont avidement recherchés par les collectionneurs
et impressionnent par leur liberté de
touche et par une utilisation spontanée et
variée du lavis pour jouer sur les contrastes
d’ombre et de lumière. Les ruines de la feuille de Grenoble, présentant
de savants accents de clair-obscur, représentent
certainement un monument dessiné par
Breenbergh lors de ses promenades romaines.
Rehaussé de lavis, le dessin a été peut-être
achevé dans l’atelier. S’agit-il de vestiges vus
sur le Palatin, où se trouvent les immenses
palais impériaux ? En tout cas, ce monument
n’existe plus aujourd’hui et nous ignorons s’il
a été représenté par d’autres artistes.
Breenbergh a dessiné ces ruines entre 1625
et 1630, au début du pontificat d’Urbain VIII
Barberini. La célèbre phrase, courante à
l’époque, « ce que n’ont pas fait les Barbares,
les Barberini l’ont fait », montre à quel point
Rome a été transformée par ce pape poète en
digne capitale de la chrétienté par une destruction
presque inévitable d’innombrables
ruines antiques. Ces destructions permettent
également d’obtenir de la chaux : de nombreux
fours sont construits à cette occasion et
ont été peints par les artistes contemporains
de Breenbergh comme Van Laer, Andries Both
ou encore Sébastien Bourdon[2].
Roethlisberger recense une copie d’après le
dessin de Grenoble, conservée au département
des arts graphiques du musée du Louvre, avec
une représentation de Tobie et l’Ange au premier
plan[3]. Par ailleurs, deux tableaux de l’entourage
de l’artiste montrent ces ruines dans
l’arrière-plan[4].
[1] Havard, 1881, III, p. 73.
[2] Voir à ce sujet cat. exp. Munich, 2014.
[3] Musée du Louvre, Inv. n° 22.546.
[4] Roethlisberger, 1981, n° R 92 et R 312, repr.