Vue d'un site montagneux

Bartholomeus BREENBERGH
circa 1625
Plume et encre noire, lavis d'encre grise, trait d'encadrement à la plume et à l'encre noire sur papier vergé crème contrecollé en plein sur un carton bleu insolé
9,2 x 14,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3548, n°1756)

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Alors que l’attribution de cette feuille à Breenbergh ne fait pas de doute – le dessin ne l’a jamais perdue –, le site rocheux représenté ici demeure une énigme et il a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Hissé sur un grand plateau, un village pittoresque puissamment fortifié s’intègre harmonieusement dans le paysage. Breenbergh se montre ici sensible à l’ensemble du site et prête beaucoup d’attention aux détails, notamment au grand rocher à droite abritant une végétation discrète et servant de repoussoir. Cette manière de ne pas se focaliser sur le site principal et de montrer un intérêt pour l’environnement est caractéristique de Breenbergh et peut-être de toute cette génération d’artistes hollandais et flamands travaillant à Rome à cette époque. Cette attitude les distingue de leurs prédécesseurs néerlandais du XVIe siècle.
Malgré la petite taille du dessin, Breenbergh arrive ici à rendre un impressionnant panorama rocheux. Marcel Roethlisberger pense que le dessin fait partie d’un carnet d’esquisses démembré depuis longtemps dont Breenbergh s’est servi vers 1625. Tous les dessins découverts jusqu’alors portent en haut à droite un petit numéro à la plume et représentent des sites de Rome et de ses environs. Depuis les années 1620, Breenbergh travaille pour l’aristocratie romaine. C’est sans doute le célèbre Paul Bril qui a facilité ce contact, mais son propre talent a fait le reste. Il n’est pas exclu que de nombreuses esquisses, représentant des villages et hameaux des environs de Rome, soient des oeuvres ayant appartenu aux grandes familles romaines désireuses d’avoir des vues de leurs propriétés.
Breenbergh s’est intéressé à trois autres reprises à ce site inconnu. Dans deux paysages à l’huile, l’artiste reprend ce même motif à l’arrière-plan. La première, une Pastorale, conservée dans une collection privée, a été commentée à plusieurs reprises ces dernières années – sans pour autant que le dessin de Grenoble y soit cité[1]. La seconde peinture, montrant le même site à l’arrière-plan, le Christ et la Samaritaine, se trouve à Johannesburg, en Afrique du Sud[2]. Enfin, dans un beau dessin à la plume et au lavis gris et brun, conservé à Édimbourg[3], Breenbergh se concentre davantage sur l’architecture que dans la feuille de Grenoble. Les effets de clair-obscur très marqués, le maniement élégant de la plume et la silhouette des deux personnages du premier plan invitent à se demander si cette composition n’a pas été dessinée en atelier, reprenant peut-être un modèle de Paul Bril. Il existe en effet un dessin extrêmement proche – même s’il est plus large – de cet artiste, représentant le même site et daté de 1626 (Anvers, Museum Plantin-Moretus Prentenkabinet, Inv. n°92), année de son décès à l’âge de soixante-douze ans. Depauw mentionne dans ses deux articles de nombreuses copies d’après cette oeuvre de Bril, ce qui montre sa célébrité à l’époque. Ce site est encore représenté par l’obscur dessinateur Theodor Wilkens et par Jan Baptist Weenix[4]. L’ancien montage du dessin de Grenoble porte une annotation, peut-être de la main de Léonce Mesnard, proposant une identification pour le lieu : Rocca di Lamentano. Cette inscription a été mal lue par le passé et apparaît sous le nom de Rocca di Laurentano, ce qui a provoqué quelques erreurs de localisation. Lamentano est le terme ancien désignant la ville de Nomentum, ville italienne dans les montagnes sabines, près d’Allia, mais il est difficile d’affirmer qu’il s’agit du même site.


[1] Campbell, 1996, cat. exp. Londres 2002, n° 8 et cat. exp. La Haye 2006, n° 10.
[2] Johannesburg, Inv. D 853, voir Roethlisberger, 1969, n° 23.
[3] Anvers, Stedelijk Prentenkabinet, Inv. n° 92, voir Ruby, 1999, n° 101, ill.
[4] Voir Depauw, 1989, 1992 et Ruby, 1999.

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