Portraits masculin et féminin

Ferdinand BOL
vers 1650
Sanguine, double trait d'encadrement à la sanguine autour des personnages, sur papier vergé crème
10,2 x 16,6 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3548, n°1847)

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Ferdinand Bol s’est formé à Dordrecht dans un contexte local. Le contact avec Rembrandt, qui a tant marqué l’artiste, ne date que de la seconde moitié des années 1630 mais cette relation n’est pas étonnante car de nombreux artistes originaires de Dordrecht, comme Nicolas Maes, Samuel van Hoogstraten ou encore Arent de Gelder, se sont formés dans son atelier.
Sur le recto d’un dessin de Rembrandt, exécuté vers 1637 et conservé à Berlin, se trouve une annotation du maître indiquant avoir vendu un tableau de « Fardijnandus ». Cela constitue le premier témoignage de leur relation[1]. Bol travaille-t-il comme assistant dans l’atelier du maître, comme le suggère Blankert, ou s’agit-il d’un second apprentissage, d’une sorte de perfectionnement, comme le pense Sumowski ? Les rares sources que nous possédons sur le fonctionnement des ateliers d’artistes hollandais du XVIIe siècle ne permettent pas de trancher clairement. Il semble d’ailleurs que les fonctions de chaque artiste dans l’atelier varient selon les qualités artistiques, les ambitions de chacun et finalement la capacité à vendre et à vivre de son art. L’atelier de Rembrandt s’apparente plus à une entreprise, contrairement à la vision romantique qui est la nôtre depuis le XIXe siècle.
Les ambitions de Bol sont celles d’un peintre d’histoire et, après avoir obtenu le droit de citoyenneté à Amsterdam en 1652, il reçoit de multiples commandes pour décorer le nouvel hôtel de ville. Bol excelle pourtant, comme tant d’artistes rembranesques, dans le portrait individuel et le portrait de groupe. Dans sa production, l’expression des figures est traitée avec dignité, finesse et chaleur. S’adaptant à l’esthétique de son temps, Bol abandonne après 1650 le style de Rembrandt pour une conception plus flamande et plus classicisante du portrait. Les deux petits portraits de Grenoble, conçus sur la même feuille, ont été exécutés dans les années 1650. Annotés « Van der Helst », ils sont entrés dans la collection de Grenoble sous une attribution – assez cohérente par ailleurs – à Gerbrandt van den Eeckhout (1621-1674), autre élève de Rembrandt de la génération de Bol. Ce ne sont pas les traits individuels du modèle qui intéressent ici l’artiste mais le souci de composer des pendants qui se répondent harmonieusement. Les traits d’un homme, dans un portrait anonyme de Bol conservé au Chrysler Museum of Art à Norfolk (Virginie) et daté de 1650, ne sont pas très éloignés de celui de Grenoble[2], alors que le portrait féminin rappelle une peinture datée de 1660 et vendue à Copenhague en 1961[3]. Une invention récurrente chez Bol est le parapet peint au premier plan sur lequel s’appuient les deux modèles, un mouchoir dans la main. La mise en page de ces portraits est magistrale : capacité à jouer sur l’intensité de la sanguine en appuyant plus ou moins fortement sur le crayon, hachures parallèles pour donner du relief. Tout traduit ici le savoir-faire de l’artiste et le grand soin que celui-ci met en oeuvre pour préparer ses portraits jusque dans les moindres détails.
Les mêmes caractères stylistiques se retrouvent dans un Portrait d’homme à la pierre noire et au lavis conservé au Kupferstichkabinett de Berlin (Inv. KdZ11902) : même soin pour capter rapidement la silhouette et lui conférer la troisième dimension par l’ajout de hachures parallèles. On retrouve aussi cette curieuse manière de cadrer le portrait avec des lignes énergiques alors que les feuilles de papier sont très réduites. Mais peut-être étaient-elles plus grandes à l’origine, des marchands peu scrupuleux les ayant découpées par la suite ? Une Étude de femme, conservée à la Bibliothèque nationale de Madrid, est stylistiquement proche[4]. Elle prépare le Collier de perles de Ferdinand Bol, tableau daté de 1649[5].
Ses mariages avec deux femmes issues de la grande bourgeoisie d’Amsterdam permettent à Bol d’abandonner la peinture vers 1679. C’est grâce à des commandes de portraits, en harmonie avec les attentes de son époque, qu’il a pu créer les relations nécessaires pour assurer sa prospérité et son ascension sociale.


[1] Voir Blankert, 1982, p. 17, fig. 3.
[2] Sumowski, 1983, I, p. 312, no 165, repr.
[3] Blankert, 1982, n° 160, pl. 171
[4] Blankert, 1982, n° 204B, repr.
[5] Eindhoven, collection Philips ; voir Blankert, 1982, n° 168, pl. 179, repr.

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