La Ferme

Jan Josefsz VAN GOYEN
avant 1630
Plume et encre brune, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vergé crème
11,3 x 18,2 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 ( lot 3548, n°1683)

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Considéré par Roethlisberger et Meyer comme faisant partie du « livre d’esquisses C » de Van Goyen, comme l’oeuvre Vue de Voorburg(MG D 640), La Ferme est le deuxième dessin à la plume de Van Goyen conservé à Grenoble. Elle date des années 1620 et montre des caractéristiques techniques proches de la Vue de Voorburg. L’utilisation très libre de la plume n’empêche pas l’artiste d’obtenir une grande clarté dans les détails et de manifester une grande sensibilité aux effets de lumière.
Autour de 1630, Van Goyen abandonne dans ses peintures les représentations colorées, détaillées, variées et aimables afin de se consacrer à la saisie de l’espace, de la lumière et de l’atmosphère. L’artiste peint maintenant, avec une admirable économie de moyens, des fermes au centre de ses compositions. Elles sont parfois peuplées de quelques personnages et entourées de dunes et de chemins ensablés. Van Goyen exécute ses fermes délabrées quelque deux années avant de quitter sa ville natale de Leyde pour La Haye en 1632 et changer de nouveau de sujets. La feuille de Grenoble conserve un aspect pittoresque mais possède déjà toutes les composantes de ce groupe de peintures de Van Goyen, même s’il y manque cette radicale réduction à l’essentiel qui caractérise les oeuvres peintes. Le traitement détaillé de l’arrière- plan, avec la fontaine, justifie la datation du dessin d’avant 1630. La ferme biscornue de Grenoble se trouve souvent chez l’artiste qui veut sans doute ainsi symboliser le caractère éphémère de toute activité humaine, marquée par le temps et exposée aux lois de la nature. Il est curieux de constater que quelques mois plus tôt, à la fin de l’année 1631, le jeune Rembrandt quitte définitivement Leyde pour s’installer à Amsterdam. Nous ignorons tout des liens entre ces deux artistes qui se sont sans doute connus mais dont les idées artistiques sont très éloignées. Pourtant, Rembrandt dessine et grave quelques années plus tard des fermes pittoresques, marquées par le temps, qui rappellent celles de Van Goyen.
Dans ce dessin, le traitement de la lumière et la composition sont caractéristiques de l’art de Van Goyen, en particulier l’utilisation des clairs-obscurs marqués et le traitement en silhouette de la dune à droite, peuplée de quelques personnages pour suggérer la profondeur. Il semble que l’artiste n’ait jamais utilisé ses dessins à la plume pour préparer ses peintures et les premiers exemples connus d’oeuvres préparatoires sont exécutés à la pierre noire et datent du début des années 1630[1]. Dans des feuilles comme celle-ci, Van Goyen cherche des solutions concernant le paysage réaliste en dehors de toute démarche préparatoire. Outre les feuilles publiées par Beck, deux paysages de Van Goyen, conservés en mains privées, pourraient être ajoutés aux feuilles de Grenoble. Ces deux dessins révèlent que Van Goyen étudie aussi dans les années 1620 des types de composition plus anciens : l’oeuvre illustrant une ferme près d’une barrière n’est pas sans rappeler les feuilles d’Abraham Bloemaert (Molyn dessinera plus tard de nombreuses oeuvres similaires) alors que la vue d’un village évoque Jacob Savery ou encore Cornelis Droochsloot. Ces deux vues paisibles, aux compositions savamment équilibrées, n’ont pas l’originalité des dessins de Van Goyen exposés ici, tous deux provenant de la collection Mesnard et qui montrent les débuts prometteurs du grand paysagiste hollandais.


[1] Voir Beck, 1957, p. 241-250.

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