Personnage vu de dos

Dans son premier volume du Groote schouburgh,
Houbraken présente Leendert van der
Cooghen comme un artiste talentueux, issu
d’une famille riche – sa mère est membre
de la puissante famille haarlémoise de Beeresteyn
– célibataire, travaillant peu et seulement
pour son loisir[1]. Actif entre 1651 et 1669,
il est capable de rivaliser avec les nombreux
dessinateurs haarlémois de son époque. Son
oeuvre est en effet d’une grande qualité artistique,
comme le prouve le dessin de Grenoble.
Avec un trait rigoureux, des contours très
contrastés et des hachures parallèles, Van der
Cooghen se montre proche de son ami Cornelis
Bega, mais aussi de Cornelis Visscher, de
Helmbreker ou encore des frères Berckheyde
(MG D 734). Comme tous ces artistes, il travaille
à la lumière de la bougie, ce qui explique
l’intensité du tracé et les effets marqués de
clair-obscur. Selon Houbraken, « les ombres
ne tombent que d’un côté ». Ses dessins ont
toujours été très appréciés et Van Cooghen n’a
jamais été oublié. Christiaan Josi[2] écrit dans sa
Collection d’imitations de dessins, au sujet du
Haarlémois Cornelis Visscher, que « ses dessins
étaient vendus 5 à 10 louis la pièce et qu’il
savait en produire des touches moelleuses et
spirituelles ». Puis l’auteur conclut en ajoutant
: « Van der Koogen avait des moeurs fort
sages ; il vécut dans le célibat jusqu’à sa mort. »
Baukje Coenen a fait récemment le point
sur son oeuvre[3]. L’artiste travaille avant tout
comme dessinateur et son catalogue comporte
une soixantaine de feuilles sûres, ainsi que
quelques peintures et eaux-fortes. Excellent
portraitiste avant tout, et auteur de dessins
d’études, il aborde également d’autres sujets
comme la scène de genre, l’histoire, le paysage.
Van der Cooghen se forme chez Jacob Jordaens, soit à Anvers, soit plutôt à La Haye,
où l’artiste flamand est actif au début des
années 1650, travaillant à la décoration de la
salle d’Orange (Oranjezaal) au Huis ten Bosch.
Il existe plusieurs dessins où il copie des compositions
de Jacob Jordaens (et Salomon de
Bray). La feuille inédite de Grenoble rappelle
d’ailleurs l’art du grand artiste flamand. Avant
de rejoindre la guilde de Saint-Luc à Haarlem
en 1652, Van der Cooghen complète sa formation
à Haarlem chez son ami Cornelis Bega.
Le dessin de Grenoble n’est pas achevé. Il se
rapproche stylistiquement d’un Homme assis
à la pierre noire rehaussée de blanc et daté
de 1653[4]. La jambe gauche, le bras droit et la
tête ne sont que sommairement indiqués. On
trouve parfois chez lui une manière de dessiner
synthétique et sommaire, comme dans son
Saint Jean à Pátmos conservé au Rijksprentenkabinet
d’Amsterdam[5]. Néanmoins, nous
préférons présenter la feuille de Grenoble
comme « attribuée à » car nous ne connaissons
pas d’autres exemples de dessins où Van
der Cooghen réunit sur une même feuille des
éléments minutieusement dessinés et d’autres
plus rapidement esquissés. Rarement dans
l’histoire des arts a-t-on vu une ville aussi
petite que Haarlem au XVIIe siècle former
autant d’artistes de qualité et travaillant dans
tous les genres. On ne peut que constater avec
étonnement la place si importante accordée à
la peinture dès la fin du XVIe siècle dans cette
ville sans pouvoir en donner une explication
précise.
[1] Houbraken, 1718, p. 350.
[2] Josi, 1821-1827, I, « Vie de Cornelis Visscher », note 1.
[3] Voir Coenen, 2005, p. 5-90.
[4] Op. cit, cat. n° A25, repr.
[5] Op. cit, cat. n° A 37, repr.
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