Paysage avec deux figures

Originaire d’Anvers, la famille Van Bloemen
est active dans les Pays-Bas, en France, notamment
à Paris et à Lyon, ainsi qu’en Italie. Spécialisé
dans l’art du paysage, Jan Frans est le
membre le plus renommé de cette famille, et sa
notoriété, dans le rendu des effets atmosphériques,
lui confère en Italie une grande célébrité.
Son surnom d’Orizzonte, donné par les Bentvueghels,
la fameuse association des peintres
des Pays-Bas à Rome, s’est répandu à Rome et
en Europe. En 1733, il est membre de la congrégation
des artistes romains, les Virtuosi al
Pantheon, et en 1742, membre de l’Académie
de Saint-Luc.
Il excelle dans la manière de peindre des arrière-
plans bleuâtres qui se perdent à l’horizon
avec des touches de pinceau légères. Actif
durant la première moitié du XVIIIe siècle,
l’artiste est l’un des plus célèbres adeptes du
paysage classicisant, et le musée de Grenoble
présente sur ses cimaises une peinture caractéristique
de son talent[1]. Souvent associé à
Claude Lorrain, qui n’est décédé que quelques
années avant l’arrivée de l’Anversois à Rome,
Van Bloemen a pourtant davantage d’affinités
avec Gaspard Dughet et ses imitateurs comme
Francisque Millet. Avec ses paysages dramatiques,
peints d’une manière très libre et spontanée,
Dughet est bien plus décisif pour lui
que Claude Lorrain. Des oeuvres comme les
gouaches de Dughet à la galerie Doria-Pamphili,
exécutées dans des tons argentés gris-vert,
l’ont en effet profondément marqué.
Van Bloemen collabore avec de grands maîtres
romains de son temps tels que Pompeo Batoni
ou Placido Constanzi qui réalisent parfois des
figures dans ses paysages pour donner à ceux-ci
un caractère de peintures d’histoire. Après
une formation à Anvers chez son frère Pieter
van Bloemen et Antoni Goubeau et après un
bref passage à Paris et à Lyon, où il rencontre
Adriaen van der Cabel, Jan Frans van Bloemen
arrive à Rome en 1685. Dès lors, il s’intègre
parfaitement dans le milieu artistique romain.
Il y obtient des commandes importantes des
grandes familles et en reçoit aussi d’Angleterre
et d’Espagne. Il termine sa vie à Rome et dans
ses environs, voyageant juste dans le sud de l’Italie, sans jamais retourner en Flandres. Leone
Pascoli lui consacre une importante biographie
restée inédite[2].
Le dessin de Grenoble est l’une des rares feuilles
acceptées par Busiri Vici (1974), grand connaisseur
des artistes néerlandais actifs à Rome
vers 1700. La nature omniprésente et la ville
sur la colline sont traitées dans cette manière
classique caractéristique de l’artiste qui compose
sobrement et avec une grande rigueur,
à l’aide de hachures parallèles. Traité exceptionnellement
à la sanguine, le dessin prépare
sans doute une composition inconnue de Van
Bloemen. Une Vue intérieure du Colisée à la
pierre noire, signée par l’artiste et conservée à
Rome[3], est stylistiquement proche alors que la
majeure partie des vues de Rome de Van Bloemen
sont traitées au pinceau et au lavis ou à la
plume et au lavis.
Le dessin de Grenoble représente un célèbre
épisode de la vie de Diogène raconté par
Diogène Laërce. Observant un jeune garçon
buvant de l’eau dans le creux de sa main, le
sage se débarrasse ensuite de son écuelle, l’un
des seuls objets qu’il a cru bon de conserver
et déclare : « Je suis battu, cet enfant vit plus
simplement que moi[4]. »
Van Bloemen crée dans ses oeuvres une image
idéalisée de l’homme et de son environnement.
Aussi, le personnage de Diogène, méprisant
la civilisation, doit tout particulièrement
lui plaire. Dans les visions acadiennes de Van
Bloemen règnent toujours une harmonie et
une unité parfaite entre l’homme, les monuments
et la nature. Son succès auprès des
élites romaines de son temps réside incontestablement
dans cette capacité très recherchée,
depuis les frères Bril au moins et chez d’autres
peintres néerlandais actifs en Italie, de créer
cette synthèse entre l’homme et son milieu.
L’oeuvre peint de Van Bloemen est extrêmement
important bien que la qualité variable
de ses tableaux témoigne de l’existence d’un
atelier important.
[1] Jan Frans Van Bloemen, Paysage, huile sur toile, 48 x 63 cm, MG 593.
[2] Voir Bombe, 1925, p. 230-242.
[3] Voir Busiri Vici, 1974, n°29a, repr.
[4] Voir Genaille, 1965, p. 19-20.
Découvrez également...
-
Paysage avec une cabane en ruine
milieu de XVIIIe siècle -
Harmonie bleue
1988 -
Antoine Barnave
1899