Paysage avec deux figures

Jan Frans VAN BLOEMEN dit L'ORIZZONTE
XVIIe siècle
Sanguine sur papier vergé beige
20,4 x 33,1 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins devant être exposés sur des cadres tournant autour d'un pivot, n°268).

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Originaire d’Anvers, la famille Van Bloemen est active dans les Pays-Bas, en France, notamment à Paris et à Lyon, ainsi qu’en Italie. Spécialisé dans l’art du paysage, Jan Frans est le membre le plus renommé de cette famille, et sa notoriété, dans le rendu des effets atmosphériques, lui confère en Italie une grande célébrité. Son surnom d’Orizzonte, donné par les Bentvueghels, la fameuse association des peintres des Pays-Bas à Rome, s’est répandu à Rome et en Europe. En 1733, il est membre de la congrégation des artistes romains, les Virtuosi al Pantheon, et en 1742, membre de l’Académie de Saint-Luc. Il excelle dans la manière de peindre des arrière- plans bleuâtres qui se perdent à l’horizon avec des touches de pinceau légères. Actif durant la première moitié du XVIIIe siècle, l’artiste est l’un des plus célèbres adeptes du paysage classicisant, et le musée de Grenoble présente sur ses cimaises une peinture caractéristique de son talent[1]. Souvent associé à Claude Lorrain, qui n’est décédé que quelques années avant l’arrivée de l’Anversois à Rome, Van Bloemen a pourtant davantage d’affinités avec Gaspard Dughet et ses imitateurs comme Francisque Millet. Avec ses paysages dramatiques, peints d’une manière très libre et spontanée, Dughet est bien plus décisif pour lui que Claude Lorrain. Des oeuvres comme les gouaches de Dughet à la galerie Doria-Pamphili, exécutées dans des tons argentés gris-vert, l’ont en effet profondément marqué.
Van Bloemen collabore avec de grands maîtres romains de son temps tels que Pompeo Batoni ou Placido Constanzi qui réalisent parfois des figures dans ses paysages pour donner à ceux-ci un caractère de peintures d’histoire. Après une formation à Anvers chez son frère Pieter van Bloemen et Antoni Goubeau et après un bref passage à Paris et à Lyon, où il rencontre Adriaen van der Cabel, Jan Frans van Bloemen arrive à Rome en 1685. Dès lors, il s’intègre parfaitement dans le milieu artistique romain. Il y obtient des commandes importantes des grandes familles et en reçoit aussi d’Angleterre et d’Espagne. Il termine sa vie à Rome et dans ses environs, voyageant juste dans le sud de l’Italie, sans jamais retourner en Flandres. Leone Pascoli lui consacre une importante biographie restée inédite[2].
Le dessin de Grenoble est l’une des rares feuilles acceptées par Busiri Vici (1974), grand connaisseur des artistes néerlandais actifs à Rome vers 1700. La nature omniprésente et la ville sur la colline sont traitées dans cette manière classique caractéristique de l’artiste qui compose sobrement et avec une grande rigueur, à l’aide de hachures parallèles. Traité exceptionnellement à la sanguine, le dessin prépare sans doute une composition inconnue de Van Bloemen. Une Vue intérieure du Colisée à la pierre noire, signée par l’artiste et conservée à Rome[3], est stylistiquement proche alors que la majeure partie des vues de Rome de Van Bloemen sont traitées au pinceau et au lavis ou à la plume et au lavis.
Le dessin de Grenoble représente un célèbre épisode de la vie de Diogène raconté par Diogène Laërce. Observant un jeune garçon buvant de l’eau dans le creux de sa main, le sage se débarrasse ensuite de son écuelle, l’un des seuls objets qu’il a cru bon de conserver et déclare : « Je suis battu, cet enfant vit plus simplement que moi[4]. » Van Bloemen crée dans ses oeuvres une image idéalisée de l’homme et de son environnement. Aussi, le personnage de Diogène, méprisant la civilisation, doit tout particulièrement lui plaire. Dans les visions acadiennes de Van Bloemen règnent toujours une harmonie et une unité parfaite entre l’homme, les monuments et la nature. Son succès auprès des élites romaines de son temps réside incontestablement dans cette capacité très recherchée, depuis les frères Bril au moins et chez d’autres peintres néerlandais actifs en Italie, de créer cette synthèse entre l’homme et son milieu. L’oeuvre peint de Van Bloemen est extrêmement important bien que la qualité variable de ses tableaux témoigne de l’existence d’un atelier important.


[1] Jan Frans Van Bloemen, Paysage, huile sur toile, 48 x 63 cm, MG 593.
[2] Voir Bombe, 1925, p. 230-242.
[3] Voir Busiri Vici, 1974, n°29a, repr.
[4] Voir Genaille, 1965, p. 19-20.

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