Trois figures vues à mi-corps, placées derrière un objet mis en réserve, une figure canéphore à l'arrière-plan

Giovanni-Battista CARACCIOLO dit IL BATTISTELLO
XVIIe siècle
Sanguine, tracés de construction à la sanguine, mise au carreau sur-jacente à la pierre noire, sur papier beige doublé
21,4 x 26,1 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (lot 2942).

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La proposition d’attribution à Mattia Preti (1613-1699), émise par Mario Di Giampaolo, n’était pas dénuée de fondements (tout comme d’ailleurs l’ancienne attribution à Salvator Rosa qui permettait d’orienter la quête nominative au sein de l’école napolitaine, même si ce critère de recherche est à prendre avec précaution). Elle portait en germes les signes d’une dépendance ou d’un héritage stylistique, forme de dérivation érigée en terminus. En fait, il suffisait d’extraire de ce nom l’essence originelle au contact de laquelle Preti forgea directement ou indirectement sa manière, essence originelle portant le nom de Caracciolo, pour parvenir à l’auteur supposé de ce dessin. Alfred Moir, en rapprochant un dessin à la sanguine de Preti et un autre de Caracciolo également à la sanguine, a bien montré en quoi le premier constitue une adaptation idiosyncrasique du second[1]. Le caractère synthétique des signes mimétiques (visage et mains sont comme abrégés dans l’expression de leur forme), le hachurage tonal plus ou moins prononcé selon les degrés de suggestion des ombres (la draperie se prête à ce type d’exercice), les lignes de contour externes cassées à l’intersection des membres anatomiques (pliure du coude, jointure de la main et du poignet), donnent à penser, non que Preti se réclame ouvertement de Caracciolo (il n’a jamais été l’élève de Caracciolo), mais que tous deux appartiennent à une même sphère culturelle graphique ouverte à des références romano-bolonaises (Caracciolo a ainsi fait un voyage à Rome en 1614 au cours duquel il s’est imprégné des modèles élaborés par les Carrache – Mattia Preti s’est formé en partie à Rome).
Le dessin de Grenoble rejoint cette tentative de verbalisation des formes graphiques. On y retrouve une conception toute voisine du tracé, des signes mimétiques et du rendu volumétrique des formes. On pourrait le rapprocher d’un dessin fort connu de Caracciolo conservé au Louvre, qui à l’origine formait la partie droite d’un autre dessin aujourd’hui à l’Albertina – ces deux feuilles furent coupées et séparées à une date indéterminée. On y voit des figures allongées et assises ou encore penchées. Selon Roberto Longhi, ce groupe de figures pourrait être mis en rapport avec des spectateurs regardant par le haut le triomphe de saint Janvier sortant indemne de la fournaise, peint par Caracciolo durant les années 1631-1632 pour la voûte de la chapelle dédiée à ce saint dans l’église de la chartreuse de San Martino à Naples. Dans le dessin grenoblois, l’étagement des figures est comparable à celui rencontré sur le dessin du Louvre, mais si le premier a été réalisé à la sanguine, l’autre l’à été à la pierre noire. Il ne semble pas en fin de compte que ces deux dessins appartiennent au même dossier génétique. Seuls correspondent matière stylistique et mode de présentation des figures.
Le type de figures dessiné donne à penser que Caracciolo met en place une disposition destinée à orner la partie supérieure d’un mur dans le salon d’un palais. Peut-être a-t-il en tête les fresques qu’Agostino Tassi peignit à Rome en 1611-1612 avec Orazio Gentileschi sur la voûte du Casino delle Muse au Palazzo di Scipione Borghese a Montecavallo, qu’il aurait pu voir lors de son voyage en 1614. On y voit un groupe de figures placées derrière une balustrade jouant de la musique, conversant ou regardant vers la salle. Cet esprit se retrouve sur le dessin de Grenoble. Malheureusement, l’on ne connaît pas dans son œuvre peint de fresques analogues.
Une mise au carreau sur-jacente à la pierre noire existe pourtant, ce qui en toute logique signifierait que d’autres dessins ont été réalisés à partir du module graphique grenoblois. Il est cependant à noter qu’une première grille tracée de manière partielle à la sanguine existe. Cette dernière n’est pas complète : elle semble comme suspendue. Peut-être a-t-elle été interrompue en raison de l’utilisation d’un médium de couleur identique à celui employé pour la construction des figures. Une graticulation ton sur ton n’est en effet guère visible. Cela expliquerait la présence d’un autre réseau tracé, cette fois-ci, à la pierre noire et donc facilement repérable.


[1] Le dessin de Preti est conservé à l’Ashmolean d’Oxford. Il s’agit d’une étude pour la figure d’un chevalier de l’ordre de Malte. Le dessin de Caracciolo est conservé à Stockholm, Nationalmuseum, Étude pour une Vierge à l’Enfant.

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