La Justice triomphant de l'Envie

Une inscription, datant probablement du XVIIIe siècle, indique au bas de cette feuille le nom de Giovanni Battista Gaulli dit Il Baciccio, peintre génois actifs à Rome au XVIIe siècle. L’enquête menée, en vue de l’exposition des chefs d’œuvres français du XVIIe siècle des cabinets d’art graphique des musées de province en 1993, a permis à Michel Hilaire de rapprocher le dessin de l’œuvre de François Perrier.
Le personnage féminin, tenant le glaive et la balance, est l’incarnation de la Justice, l’une des quatre vertus cardinales. Devant elle, accompagnée de la grue, attribut de la Vigilance, est placée la figure enchaînée de l’Envie, mordue au sein par un serpent. La Justice, aidée de la Vigilance, triomphe ainsi de l’Envie.
Depuis les études fondatrices de Walter Witzthum (1965) et de Jacques Thuillier (1993), un nombre significatif de nouvelles feuilles - celle que nous présentons ici en fait partie - est venu enrichir le corpus de cet important acteur de la peinture française des années 1640. Parallèlement, la publication par le Louvre du volume d’inventaire des dessins comprenant ceux de Perrier, a permis de remettre à l’honneur un important carnet couramment nommé « Album Perrier » qui apporte des éléments nouveaux pour la compréhension du dessin de Grenoble[1] . Ce carnet présente diverses études d’ensemble et de détails, réalisées par François Bourlier. Il est désormais certain qu’un grand nombre de ces croquis sont des copies d’après François Perrier. On y trouve d’ailleurs, au foliot 41 (RF.917), la copie du dessin de Grenoble accompagnée d’une allégorie de la Tempérance. Ces figures faisaient probablement partie d’un projet décoratif, destiné à une coupole ou à des pendentifs de coupole, comme l’indique le tracé d’architecture sur l’original et les copies. Ce recueil permet également de connaître la composition des deux autres Vertus, la Charité et la Force, qui sont dessinées au folio 39[2] (RF 919) .
A partir des quatre copies du recueil Perrier, et en suivant les particularités iconographiques de l’allégorie de la Justice, Jean-Claude Boyer (2008) a émis une hypothèse séduisante quant à la destination de ces études. La présence du faisceau que tient un putto à gauche, élément inhabituel dans une telle allégorie, pourrait faire penser à des projets destinés au cardinal de Mazarin, grand vainqueur de la Fronde et restaurateur de la paix. N’ayant trouvé aucun décor conservé correspondant à ces dessins, Boyer met en relation ces dessins avec l’important chantier de l’église des Théatins, Sainte-Anne-la-Royale, qui avait bénéficié de la protection du cardinal. Demeurée inachevée, l’église qui devait comprendre une coupole dessinée par François Mansart, pouvait éventuellement recevoir un tel décor. Boyer propose également de reconnaître dans ces projets une invention de Charles Errard, ce qui ne nous semble pas pouvoir être retenu en raison de l’attribution désormais certaine du dessin à Perrier.
La technique, le trait haché, la massivité de la figure féminine ainsi que l’influence formelle assez nette de la peinture romaine, permettent de situer cette œuvre pendant ou peu après le second séjour de Perrier à Rome (1634-1645).
[1] Prat et Boubli, 1997, p. 268-301 pour les 139 feuillets composant l’album.
[2] Un cinquième dessin pourrait se rattacher à cet ensemble. Il représente un projet pour une demi-coupole d’abside montrant une Allégorie de la Justice entourée des dieux de l’Olympe (RF. 912, fol. 21), Prat et Boubli, 1997, n° 1073, p. 275. Ce dessin est attribué à Perrier lui-même et daté du second séjour romain. Il a été collé dans l’album.
Découvrez également...
-
-
-
Composition
1980