La Vierge et de Saint Joseph remettant à sainte Thérèse d'Avila le voile de la pureté et de l'innocence de son âme
Les dessins de Lazzaro Baldi sont fort nombreux.
Trois cent quatre dessins sont, par exemple,
conservés au Gabinetto Nazionale delle Stampe
à Rome, et la plupart d’entre eux sont réalisés
sur des feuilles de petit format, dans une facture
dénotant une très grande rapidité de mise en
page. Le dessin de Grenoble s’insère parfaitement
dans cet ensemble tant en raison de la
petitesse du format que de la technique
adoptée. Son processus de réalisation rejoint
aussi celui qui peut être constaté sur les feuilles
composant ce fonds. Quatre temps sont
repérables. Ils correspondent en fait, et en toute
logique, aux quatre types de médiums utilisés :
le premier temps consiste à mettre en place à la
sanguine la disposition générale des figures, le
deuxième temps est celui de la reprise du
primo-tracé consistant tout à la fois à reprendre
les lignes de contour à la sanguine, cette fois-ci
avec une plume trempée dans de l’encre brune,
et à les corriger si besoin est. Le troisième et le
quatrième temps vont de pair : il s’agit de
modeler les formes par des contrastes de
couleur et de les faire ressortir par l’application
d’un lavis d’encre brune et de rehauts de
gouache blanche. Toutes ces opérations se
superposent sous une parfaite maîtrise des
gestes graphiques pour aboutir à une ordonnance
homogène et lisible.
Cette répétition des procédés techniques d’un
dessin à l’autre rejoint un autre type de répétition
: celle des dispositions. Ce processus de
reprise constante est lié, comme l’a analysé
Vittorio Casale, aux nombreuses commandes
de même nature que reçut Baldi au cours de sa
carrière, presque toujours des tableaux de béatification
et de canonisation. Baldi a en effet été
l’ouvrier principal avec Giacinto Brandi,
Ludovico Gimignani ou encore Fabrizio Chiari,
de ces grandes entreprises de conception et de
fabrication d’images réalisées dans des
médiums et sous des formes divers : objets d’art,
tableaux, tapisseries, étendards, devants d’autel
et apparati. Ainsi a-t-il participé aux plus
importantes d’entre elles : celle de François de
Sales en 1665, celles de Pierre d’Alcantara et de
Marie Madeleine de’ Pazzi en 1669, celles de
Gaétan de Thiene, de François Borgia, de
Philippe Benizi, de Louis Bertràn, de Rose de
Lima en 1671, celles de Jean de Dieu, de Pascal
Baylon, de Jean de Capestrano, de Laurent
Giustiniani, de Jean de San Facondo en 1690.
Selon V.Casale, pour les canonisations de 1671,
Baldi aurait même fourni cent quinze tableaux
« originaux » et cinquante « copies ». À ces
commandes, s’ajoutent celles d’illustrations
d’ouvrages, comme les dessins qu’il fournit
pour des gravures illustrant des vies de saints.
Le dessin de Grenoble est justement une étude
préparatoire pour une gravure illustrant un
ouvrage encomiastique, dédié à la vie «effigiée»
de sainte Thérèse d’Avila. La première édition
de cet ouvrage, intitulée Vita effigiata et esserciitj
affettivi della serafica vergine S. Teresa di
Giesù restoratrice del Carmelo e maestra di celeste
dottrina, est parue en 1653. L’auteur est
anonyme mais a été identifié comme étant le
père Alessio Maria della Passione, et ce dès 1683.
Trente-six gravures l’ornent ; aucun nom de
graveur n’y figure. Ciro Ferri a également participé
comme inventeur à cette entreprise d’illustration.
Une seconde édition, complétée, est
publiée en 1670. Le nombre de gravures
double, passant de trente-six à soixante-douze.
La composition inventée par Baldi illustre un
épisode de la vie de la sainte, raconté dans son
autobiographie : « Il me sembla qu’on me
revêtait d’un vêtement d’une très lumineuse
blancheur…Je vis Notre Dame, à ma droite, et
mon père saint Joseph, à ma gauche, me couvrir
de ce vêtement. On me fit comprendre que
j’étais dès lors lavée de mes péchés… Notre
Dame me dit que je lui causais une grande joie
en servant le glorieux saint Joseph; je pouvais
croire que mon projet de monastère se réaliserait,
et que le Seigneur serait très bien servi dans
ce couvent ainsi qu’eux deux… » D’autres dessins de Baldi préparatoires à des gravures,
appartenant au même ouvrage, sont connus. Ils
sont conservés à Windsor. Leurs caractéristiques
stylistico-techniques et les dimensions sont très
proches de celles du dessin de Grenoble.
Force cependant est de reconnaître que, s’il
n’avait pas été possible d’identifier correctement
le sujet, on aurait pu hésiter avec un
épisode de la vie d’une autre carmélite, sainte
Marie Madeleine de’ Pazzi, celui au cours
duquel la sainte adresse une prière à la Vierge
pour la délivrer des tentations et qui la couvre
d’un voile blanc pour la protéger. Il est vrai
que la figure de saint Joseph n’apparaît pas
dans cette histoire. Mais la disposition aurait
pu s’en rapprocher, comme le montre une
gravure réalisée d’après l’un des étendards que
Baldi élabora pour la canonisation de la
sainte : la mise en place des figures est fort
proche. Seule une légère variante peut ainsi
faire basculer le sujet.
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