La Vierge et de Saint Joseph remettant à sainte Thérèse d'Avila le voile de la pureté et de l'innocence de son âme

Lazzaro BALDI
XVIIe siècle
Plume encre brune, lavis d'encre brune, rehauts de gouache blanche sur un tracé à la sanguine, trait d'encadrement à la sanguine et à la plume et à l'encre brune sur papier vergé beige doublé
7,8 x 6,4 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (lot 2942)

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Les dessins de Lazzaro Baldi sont fort nombreux. Trois cent quatre dessins sont, par exemple, conservés au Gabinetto Nazionale delle Stampe à Rome, et la plupart d’entre eux sont réalisés sur des feuilles de petit format, dans une facture dénotant une très grande rapidité de mise en page. Le dessin de Grenoble s’insère parfaitement dans cet ensemble tant en raison de la petitesse du format que de la technique adoptée. Son processus de réalisation rejoint aussi celui qui peut être constaté sur les feuilles composant ce fonds. Quatre temps sont repérables. Ils correspondent en fait, et en toute logique, aux quatre types de médiums utilisés : le premier temps consiste à mettre en place à la sanguine la disposition générale des figures, le deuxième temps est celui de la reprise du primo-tracé consistant tout à la fois à reprendre les lignes de contour à la sanguine, cette fois-ci avec une plume trempée dans de l’encre brune, et à les corriger si besoin est. Le troisième et le quatrième temps vont de pair : il s’agit de modeler les formes par des contrastes de couleur et de les faire ressortir par l’application d’un lavis d’encre brune et de rehauts de gouache blanche. Toutes ces opérations se superposent sous une parfaite maîtrise des gestes graphiques pour aboutir à une ordonnance homogène et lisible.
Cette répétition des procédés techniques d’un dessin à l’autre rejoint un autre type de répétition : celle des dispositions. Ce processus de reprise constante est lié, comme l’a analysé Vittorio Casale, aux nombreuses commandes de même nature que reçut Baldi au cours de sa carrière, presque toujours des tableaux de béatification et de canonisation. Baldi a en effet été l’ouvrier principal avec Giacinto Brandi, Ludovico Gimignani ou encore Fabrizio Chiari, de ces grandes entreprises de conception et de fabrication d’images réalisées dans des médiums et sous des formes divers : objets d’art, tableaux, tapisseries, étendards, devants d’autel et apparati. Ainsi a-t-il participé aux plus importantes d’entre elles : celle de François de Sales en 1665, celles de Pierre d’Alcantara et de Marie Madeleine de’ Pazzi en 1669, celles de Gaétan de Thiene, de François Borgia, de Philippe Benizi, de Louis Bertràn, de Rose de Lima en 1671, celles de Jean de Dieu, de Pascal Baylon, de Jean de Capestrano, de Laurent Giustiniani, de Jean de San Facondo en 1690. Selon V.Casale, pour les canonisations de 1671, Baldi aurait même fourni cent quinze tableaux « originaux » et cinquante « copies ». À ces commandes, s’ajoutent celles d’illustrations d’ouvrages, comme les dessins qu’il fournit pour des gravures illustrant des vies de saints. Le dessin de Grenoble est justement une étude préparatoire pour une gravure illustrant un ouvrage encomiastique, dédié à la vie «effigiée» de sainte Thérèse d’Avila. La première édition de cet ouvrage, intitulée Vita effigiata et esserciitj affettivi della serafica vergine S. Teresa di Giesù restoratrice del Carmelo e maestra di celeste dottrina, est parue en 1653. L’auteur est anonyme mais a été identifié comme étant le père Alessio Maria della Passione, et ce dès 1683. Trente-six gravures l’ornent ; aucun nom de graveur n’y figure. Ciro Ferri a également participé comme inventeur à cette entreprise d’illustration. Une seconde édition, complétée, est publiée en 1670. Le nombre de gravures double, passant de trente-six à soixante-douze. La composition inventée par Baldi illustre un épisode de la vie de la sainte, raconté dans son autobiographie : « Il me sembla qu’on me revêtait d’un vêtement d’une très lumineuse blancheur…Je vis Notre Dame, à ma droite, et mon père saint Joseph, à ma gauche, me couvrir de ce vêtement. On me fit comprendre que j’étais dès lors lavée de mes péchés… Notre Dame me dit que je lui causais une grande joie en servant le glorieux saint Joseph; je pouvais croire que mon projet de monastère se réaliserait, et que le Seigneur serait très bien servi dans ce couvent ainsi qu’eux deux… » D’autres dessins de Baldi préparatoires à des gravures, appartenant au même ouvrage, sont connus. Ils sont conservés à Windsor. Leurs caractéristiques stylistico-techniques et les dimensions sont très proches de celles du dessin de Grenoble. Force cependant est de reconnaître que, s’il n’avait pas été possible d’identifier correctement le sujet, on aurait pu hésiter avec un épisode de la vie d’une autre carmélite, sainte Marie Madeleine de’ Pazzi, celui au cours duquel la sainte adresse une prière à la Vierge pour la délivrer des tentations et qui la couvre d’un voile blanc pour la protéger. Il est vrai que la figure de saint Joseph n’apparaît pas dans cette histoire. Mais la disposition aurait pu s’en rapprocher, comme le montre une gravure réalisée d’après l’un des étendards que Baldi élabora pour la canonisation de la sainte : la mise en place des figures est fort proche. Seule une légère variante peut ainsi faire basculer le sujet.

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