Etude pour une composition représentant saint Ambroise chassant les Ariens de Milan

Giovanni BAGLIONE
XVIIe siècle
Plume et encre brune, lavis d'encre grise, sur un tracé à la pierre noire, trait d'encadrement partiel à la plume et à l'encre brune sur papier crème
20 x 13,9 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (lot 2942)

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À la fin de sa vie, en octobre 1640, Baglione est chargé de réaliser pour la somme de quatre cents scudi trois tableaux pour l’église romaine de Santa Maria dell’Orto, église où le peintre avait déjà peint un certain nombre de tableaux et de fresques au cour de sa carrière[1]. Ces tableaux sont destinés à orner la troisième chapelle – sise à gauche de la nef – dédiée aux saints Charles Borromée, Bernardin de Sienne et Ambroise. Baglione est également chargé de peindre à fresque son décor avec l’aide d’un stucateur, Gio. Maria Ferrari, à qui il fournit des modèles. Le commanditaire étant d’origine milanaise[2], on comprend parfaitement qu’il lui ait demandé de peindre des sujets typiquement lombards. Le tableau, placé sur l’autel du milieu, représente ainsi la Vierge à l’Enfant entre les saints dédicataires de la chapelle, les deux archevêques de Milan associés à un saint allogène. Sur le côté gauche, Baglione peint Saint Charles Borromée intercédant auprès du Christ pour faire cesser la peste, et sur le côté droit, Saint Ambroise chassant les ariens de Milan. Les peintures furent achevées en 1641.
Le dessin de Grenoble prépare ce dernier tableau. Baglione reprend pour son étude de composition un schème dispositionnel élaboré par divers peintres lombards tout au long des XVe et XVIe siècles. La disposition, conçue en 1590 par Giovanni Ambrogio Figino (1548- 1608) pour la chapelle du Tribunale di Provvisione de Milan et maintenant au Castello Sforzesco (il existe une autre version peinte pour l’église milanaise de Sant’Eustorgio), constitue certainement le modèle à partir duquel Baglione a réalisé sa propre version. Le saint ecclésiastique, transformé en saint guerrier, y est représenté en cavalier tenant la crosse de la main gauche et le fouet à trois lanières de l’autre main, le cheval cabré au-dessus de corps allongés, morts, figure synecdotique des ariens, ennemis de l’église catholique mais qui étaient soutenus par l’empereur Valentinien II. Ambroise avait refusé de répondre à la demande impériale de leur concéder deux basiliques de Milan. Il partit au combat pour les empêcher d’occuper ces lieux hautement sacrés. Le commanditaire de ce tableau a sûrement fourni au peintre des référents iconographiques précis, peut-être un dessin reprenant la disposition mise au point par Figino. Car, selon les sources, Baglione ne s’est jamais rendu à Milan. Le seul voyage effectué dans les régions septentrionales de l’Italie l’amena à Mantoue entre 1621 et 1622 où il travailla pour les Gonzague. Une autre explication peut être avancée. Le British Museum conserve un dessin de Baglione étudiant la figure de saint Jacques le Majeur en cavalier, brandissant une épée et écrasant ses ennemis mahométans à la bataille de Clavijo. Le dispositif iconographique choisi est très proche de celui figurant sur le dessin de Grenoble. Mais Baglione aurait très bien pu réutiliser un dessin appartenant au dossier génétique du tableau de SantaMaria dell’Orto pour réaliser ce dessin !
Le dessin de Grenoble appartient au type des premières idées de disposition. Tracée énergiquement et rapidement à la plume, la figure du saint est tournée vers la droite et tient étrangement de la même main la crosse et le fouet à trois lanières. Cet assemblage pourrait être lu comme une superposition, comme si Baglione ne savait pas encore dans quelle main seront définitivement placés les deux objets. Entre ce dessin et la peinture, de nombreuses différences sont à noter. En fait, le peintre ne reprend presque aucune des propositions dispositionnelles figurées. Le saint est ainsi tourné vers la gauche. Il tient de sa main droite une sorte de crosse se terminant en fouet : l’assemblage est consommé. Baglione invente un objet hybride que l’on ne retrouve nullement dans la tradition iconographique lombarde. Enfin, le nombre de ses ennemis se limite à une seule figure gisante dont la configuration d’ensemble rappelle étrangement, vue toutefois sous un autre angle, la pose de saint Paul dans la conversion du même saint peinte par Caravage à Santa Maria del Popolo. De nombreux autres dessins, s’intercalant entre celui de Grenoble et le tableau, ont dû être réalisés. La feuille grenobloise est à ce jour l’unique dessin préparatoire connu pour ce tableau.


[1] Il y a réalisé en 1598 dans le choeur des fresques représentant des scènes de la vie de la Vierge. En 1624, il y a peint un tableau représentant Saint Sébastien soigné par les anges. Et en 1630, une Vierge à l’Enfant avec saint Jacques et saint Barthélemy.
[2] Il se nomme Ambrogio Pecci.

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