Etude pour une composition représentant saint Ambroise chassant les Ariens de Milan

À la fin de sa vie, en octobre 1640, Baglione est
chargé de réaliser pour la somme de quatre
cents scudi trois tableaux pour l’église romaine
de Santa Maria dell’Orto, église où le peintre
avait déjà peint un certain nombre de tableaux
et de fresques au cour de sa carrière[1]. Ces
tableaux sont destinés à orner la troisième
chapelle – sise à gauche de la nef – dédiée aux
saints Charles Borromée, Bernardin de Sienne
et Ambroise. Baglione est également chargé de
peindre à fresque son décor avec l’aide d’un
stucateur, Gio. Maria Ferrari, à qui il fournit des
modèles. Le commanditaire étant d’origine
milanaise[2], on comprend parfaitement qu’il lui
ait demandé de peindre des sujets typiquement
lombards. Le tableau, placé sur l’autel du milieu,
représente ainsi la Vierge à l’Enfant entre les
saints dédicataires de la chapelle, les deux archevêques
de Milan associés à un saint allogène. Sur
le côté gauche, Baglione peint Saint Charles
Borromée intercédant auprès du Christ pour faire
cesser la peste, et sur le côté droit, Saint Ambroise
chassant les ariens de Milan. Les peintures
furent achevées en 1641.
Le dessin de Grenoble prépare ce dernier
tableau. Baglione reprend pour son étude de
composition un schème dispositionnel élaboré
par divers peintres lombards tout au long des
XVe et XVIe siècles. La disposition, conçue en
1590 par Giovanni Ambrogio Figino (1548-
1608) pour la chapelle du Tribunale di Provvisione
de Milan et maintenant au Castello
Sforzesco (il existe une autre version peinte
pour l’église milanaise de Sant’Eustorgio),
constitue certainement le modèle à partir
duquel Baglione a réalisé sa propre version. Le
saint ecclésiastique, transformé en saint
guerrier, y est représenté en cavalier tenant la
crosse de la main gauche et le fouet à trois
lanières de l’autre main, le cheval cabré au-dessus
de corps allongés, morts, figure synecdotique
des ariens, ennemis de l’église catholique
mais qui étaient soutenus par l’empereur
Valentinien II. Ambroise avait refusé de
répondre à la demande impériale de leur
concéder deux basiliques de Milan. Il partit au
combat pour les empêcher d’occuper ces lieux
hautement sacrés. Le commanditaire de ce
tableau a sûrement fourni au peintre des
référents iconographiques précis, peut-être un
dessin reprenant la disposition mise au point
par Figino. Car, selon les sources, Baglione ne
s’est jamais rendu à Milan. Le seul voyage
effectué dans les régions septentrionales de
l’Italie l’amena à Mantoue entre 1621 et 1622
où il travailla pour les Gonzague. Une autre
explication peut être avancée. Le British
Museum conserve un dessin de Baglione
étudiant la figure de saint Jacques le Majeur en
cavalier, brandissant une épée et écrasant ses
ennemis mahométans à la bataille de Clavijo.
Le dispositif iconographique choisi est très
proche de celui figurant sur le dessin de
Grenoble. Mais Baglione aurait très bien pu réutiliser un dessin appartenant au dossier
génétique du tableau de SantaMaria dell’Orto
pour réaliser ce dessin !
Le dessin de Grenoble appartient au type des
premières idées de disposition. Tracée énergiquement
et rapidement à la plume, la figure du
saint est tournée vers la droite et tient étrangement
de la même main la crosse et le fouet à
trois lanières. Cet assemblage pourrait être lu
comme une superposition, comme si Baglione
ne savait pas encore dans quelle main seront
définitivement placés les deux objets. Entre ce
dessin et la peinture, de nombreuses différences
sont à noter. En fait, le peintre ne reprend
presque aucune des propositions dispositionnelles
figurées. Le saint est ainsi tourné vers la
gauche. Il tient de sa main droite une sorte de
crosse se terminant en fouet : l’assemblage est
consommé. Baglione invente un objet hybride
que l’on ne retrouve nullement dans la tradition
iconographique lombarde. Enfin, le
nombre de ses ennemis se limite à une seule
figure gisante dont la configuration d’ensemble
rappelle étrangement, vue toutefois sous un
autre angle, la pose de saint Paul dans la conversion
du même saint peinte par Caravage à Santa
Maria del Popolo. De nombreux autres dessins,
s’intercalant entre celui de Grenoble et le
tableau, ont dû être réalisés. La feuille grenobloise
est à ce jour l’unique dessin préparatoire
connu pour ce tableau.
[1] Il y a réalisé en 1598 dans le choeur des fresques représentant des scènes de la vie de la Vierge. En 1624, il y a peint un tableau représentant Saint Sébastien soigné par les anges. Et en 1630, une Vierge à l’Enfant avec saint Jacques et saint Barthélemy.
[2] Il se nomme Ambrogio Pecci.
Découvrez également...
-
-
Plaque ronde sur un support en bois laqué
XIXe siècle -
Sans titre
1987