Jeune homme tenant un cheval par la bride

La facture de ce dessin est fascinante. C’est littéralement
une première pensée constituée d’un
entrelacement de traits virevoltants à la
sanguine, posés à la vitesse d’un coup de fouet,
comme si l’on avait la sensation de voir le temps
de réalisation infime s’écouler dans la multitude
des lignes. Avant de distinguer et de
reconstituer mentalement l’objet étudié par le
dessinateur, c’est cet amas de traits multidirectionnels
que l’on voit. Puis dans un second
temps, surgit une tête d’homme, son bras droit
tendu, une tête de cheval, un buste et enfin une
jambe. Ainsi apparaît, sous ce réseau de traits,
un jeune homme tenant vraisemblablement par
la bride un cheval. On pourrait très bien appliquer
cette remarque de Porbus dans Le Chef d’Œuvre inconnu de Balzac : « Il y a une femme
là-dessous. » Cet effet de surprise est une
apparition sémiotique.
Volterrano est l’auteur de ce dessin. L’attribution
n’avait jamais été perdue. Ce dessinateur,
originaire de Volterra comme son surnom
l’indique, a d’abord été formé à Florence dans
l’atelier de Matteo Rosselli avant d’intégrer,
dans un second temps, celui de Giovanni da
San Giovanni. De ces deux maîtres florentins,
Volterra n’a pas gardé grand-chose dans ses
dessins (à l’exception de ses dessins de
jeunesse). On pourrait même dire que sa
manière se démarque tout court de la tradition
florentine, fondée sur la clarté de la ligne, la
précision anatomique des formes, la reprise
mesurée des éléments étudiés, non pas que
Volterrano ne soit pas capable de réaliser des
dessins aboutis, mais sa façon de mettre en
place les idées graphiques se matérialise par des
procédés que l’on ne rencontre guère dans la
production de ses devanciers ou contemporains,
appartenant à sa nation. Il faut remonter
à Léonard et à son fameux componimento
inculto ou le mettre en parallèle avec un
contemporain né en Toscane (à Cortone) mais
actif principalement à Rome, Pierre de
Cortone[1], pour retrouver un mode de recherche
similaire, consistant à reprendre et à répéter de
manière incessante une ligne de circonscription
pour faire surgir la forme mimétique, comme si
le dessinateur procédait à des ratures
constantes. Sa peinture se rapproche aussi
stylistiquement parlant de celle de Pierre de
Cortone.
Malgré l’importance numérique de son œuvre
graphique (deux cents feuilles ont resurgi lors
d’une vente aux enchères en 1980 chez Sotheby’s
à Londres, trois cents sont conservées aux
Offices, l’Albertina en possède soixante-dix),
il n’a pas été possible d’agréger cette feuille à un
dossier génétique déterminé. Peut-être
pourrait-il s’agir d’une étude pour un sujet
mettant en scène la figure d’Alexandre le Grand
domptant Bucéphale. Il serait tentant de la
dater peu après la commande des fresques de
la villa della Petraia qui, il est vrai, s’étendit sur
près de dix années (entre 1637 et 1646), disons
aux alentours de 1647-1650.
[1] Voici ce que disait Mariette des dessins de Volterrano: « J’ai vu des dessins de lui qui sont tellement dans la manière de Pietro de Cortone qu’on le croirait disciple de ce grand peintre. » (Abecedario, II, 1853-1854, p. 264) ; cité parMcCorquodale, 1980, « Introduction », non paginée.
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