Etude d'un ange aptère allongé

Giovanni Francesco BARBIERI dit IL GUERCINO (atelier de)
XVIIe siècle
Sanguine, trait d'encadrement rapporté à la pierre noire sur papier vergé blanc crème doublé, angles abattus
18,7 x 26,2 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (lot 2942)

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Ce dessin appartient au dossier génétique d’un ensemble de fresques, réalisées sur les voûtains de la coupole de la cathédrale de Plaisance par Guerchin, entre le mois de mai 1626 et le mois de novembre 1627. Guerchin reçut cette commande peu après le décès du peintre lombard Pier Francesco Mazzucchelli, dit il Morazzone (1573-1626), qui avait peint deux des huit compartiments de la coupole octogonale lorsqu’il mourut (Isaïe et David). Guerchin reprit le schéma général dispositionnel établi par Morazzone, consistant à placer une figure de prophète sur des nuages dans chaque voûtain triangulaire, accompagné d’anges ou de putti tenant des phylactères ou des livres. À la base de la coupole, il peignit dans les quatre lunettes sans fenêtre des scènes de l’enfance de Jésus (l’Annonciation aux bergers, l’Adoration des bergers, la Présentation au Temple et le Repos pendant la fuite en Égypte), et dans celles ajourées, alternant avec les lunettes aveugles, quatre paires de sibylles de part et d’autre d’une fenêtre centrale. Enfin, sous les lunettes, il conçut une frise de putti courant tout le long du tambour de la coupole. Guerchin réalisa pour la première fois dans sa carrière cet ensemble de peintures à buon fresco, alors que ses premiers essais en matière de fresque l’avaient été, notamment au Casino Ludovisi à Rome lorsqu’il peignit l’Aurore, à fresco secco. La technique de la fresque véritable constitue pour tout artiste une course contre le temps car il s’agit de peindre sur un enduit frais et humide avant qu’il ne sèche. L’avantage de cette technique réside dans sa stabilité et sa solidité ce que ne garantit pas celle de la fresque à sec. Elle suppose in fine que le peintre a déjà mis en place sa composition dans les moindres détails, à travers des études graphiques poussées. La conception de cartons permet de gagner un temps considérable. Mais dans le cas des fresques de la coupole de Plaisance, il ne semble pas que Guerchin ait fait usage d’un tel procédé car aucune trace d’incisions directes sur le support et de poudre de charbon n’a été trouvée. Guerchin a donc peint directement sur l’enduit à partir du dessin préparatoire sous-jacent, en s’aidant peut-être de cartons auxiliaires pour l’établissement du modelé, mais aucun n’a été retrouvé à ce jour. Et s’il tel avait été le cas (ce dont on peut douter, car ce type de dessins à l’échelle, généralement en bon état en raison de leur fonction de repère visuel, est soigneusement conservé), la présence de repentirs transparaissant de manière accrue, notamment sur la fresque représentant le prophète Aggée, n’a pas empêché le peintre de Cento de réfléchir encore, le pinceau à la main, dans les tout derniers stades de la réalisation de ses œuvres.
Le dessin de Grenoble est justement à mettre en relation avec le compartiment représentant le prophète Aggée. Il étudie plus précisément la figure de l’ange aptère, en bas de la disposition générale, sise sur un nuage montrant le livre du prophète, reposant lui aussi sur la masse nuageuse. Quatre autres dessins préparatoires étaient à ce jour recensés, partie infime d’un ensemble qui dut être bien plus important. Une étude à la plume et à l’encre brune, appartenant à sir Denis Mahon, constitue une première pensée pour la disposition générale des figures du prophète et du putto placé dans la partie supérieure. Chose rare dans les techniques d’étude chez Guerchin, deux variantes de disposition externes sont proposées à même le papier d’œuvre alors qu’il préfère habituellement reprendre sur une autre feuille la disposition à varier. Un dessin à la sanguine conservé au Palazzo Rosso à Gênes[1] reprend le close up dialogique des deux figures moins les variantes. Un modèle d’atelier, vêtu simplement d’une tunique, joue le rôle du prophète. Récemment, a été publié un dessin inédit trouvé dans le fonds des Offices, étudiant de manière ciblée la tête d’Aggée ainsi que la position de sa main droite[2]. Guerchin reprend sur la fresque à l’identique cette proposition dans un premier temps, avant de la modifier. Le quatrième dessin, conservé à Stuttgart à la Staatsgalerie[3], est une étude de détail à la sanguine des bras du prophète tenant la tablette. Le dessin de Grenoble est le seul à préparer la figure de l’ange. Peu de différences sont à noter entre l’ange dessiné et celui peint. La disposition générale est la même, à l’exception des mouvements du drapé. Les ombres et les lumières sont indiquées par un jeu de contraste, entre des parties mises en réserve, exemptes de tout trait, et des plages plus ou moins denses à la sanguine; l’orientation d’ensemble en est reprise dans la fresque. Seules les volutes tourbillonnantes du drapé, matérialisées par de multiples traits, ne trouvent pas leur correspondant pictural. Pur jeu graphique. Ce dessin a en tout cas dû ou pu servir de modèle lorsque Guerchin réalisa son dessin sous-jacent (ou sinopie). Quelques faiblesses (main droite notamment) nous amènent à considérer qu’il a pu être fait par un habile assistant du peintre.


[1] Inv. D 157.
[2] Inv. n. 124714 F.
[3] Collection Fachsenfeld, inv. III/87.

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