Etude d'un ange aptère allongé

Ce dessin appartient au dossier génétique d’un
ensemble de fresques, réalisées sur les voûtains
de la coupole de la cathédrale de Plaisance par
Guerchin, entre le mois de mai 1626 et le mois
de novembre 1627. Guerchin reçut cette
commande peu après le décès du peintre
lombard Pier Francesco Mazzucchelli, dit il
Morazzone (1573-1626), qui avait peint deux des
huit compartiments de la coupole octogonale
lorsqu’il mourut (Isaïe et David). Guerchin reprit
le schéma général dispositionnel établi par
Morazzone, consistant à placer une figure de
prophète sur des nuages dans chaque voûtain
triangulaire, accompagné d’anges ou de putti
tenant des phylactères ou des livres. À la base de
la coupole, il peignit dans les quatre lunettes sans
fenêtre des scènes de l’enfance de Jésus (l’Annonciation
aux bergers, l’Adoration des bergers, la
Présentation au Temple et le Repos pendant la
fuite en Égypte), et dans celles ajourées, alternant
avec les lunettes aveugles, quatre paires de sibylles
de part et d’autre d’une fenêtre centrale. Enfin,
sous les lunettes, il conçut une frise de putti
courant tout le long du tambour de la coupole.
Guerchin réalisa pour la première fois dans sa
carrière cet ensemble de peintures à buon fresco,
alors que ses premiers essais en matière de
fresque l’avaient été, notamment au Casino
Ludovisi à Rome lorsqu’il peignit l’Aurore, à
fresco secco. La technique de la fresque véritable
constitue pour tout artiste une course contre le
temps car il s’agit de peindre sur un enduit frais
et humide avant qu’il ne sèche. L’avantage de
cette technique réside dans sa stabilité et sa
solidité ce que ne garantit pas celle de la fresque
à sec. Elle suppose in fine que le peintre a déjà
mis en place sa composition dans les moindres
détails, à travers des études graphiques poussées.
La conception de cartons permet de gagner un
temps considérable. Mais dans le cas des
fresques de la coupole de Plaisance, il ne semble
pas que Guerchin ait fait usage d’un tel procédé car aucune trace d’incisions directes sur le
support et de poudre de charbon n’a été
trouvée. Guerchin a donc peint directement sur
l’enduit à partir du dessin préparatoire sous-jacent,
en s’aidant peut-être de cartons auxiliaires
pour l’établissement du modelé, mais aucun n’a
été retrouvé à ce jour. Et s’il tel avait été le cas (ce
dont on peut douter, car ce type de dessins à
l’échelle, généralement en bon état en raison de
leur fonction de repère visuel, est soigneusement
conservé), la présence de repentirs transparaissant
de manière accrue, notamment sur la
fresque représentant le prophète Aggée, n’a pas
empêché le peintre de Cento de réfléchir encore,
le pinceau à la main, dans les tout derniers stades
de la réalisation de ses œuvres.
Le dessin de Grenoble est justement à mettre
en relation avec le compartiment représentant
le prophète Aggée. Il étudie plus précisément la
figure de l’ange aptère, en bas de la disposition
générale, sise sur un nuage montrant le livre du
prophète, reposant lui aussi sur la masse
nuageuse. Quatre autres dessins préparatoires
étaient à ce jour recensés, partie infime d’un
ensemble qui dut être bien plus important. Une
étude à la plume et à l’encre brune, appartenant
à sir Denis Mahon, constitue une première
pensée pour la disposition générale des figures
du prophète et du putto placé dans la partie
supérieure. Chose rare dans les techniques
d’étude chez Guerchin, deux variantes de
disposition externes sont proposées à même le
papier d’œuvre alors qu’il préfère habituellement
reprendre sur une autre feuille la disposition
à varier. Un dessin à la sanguine conservé
au Palazzo Rosso à Gênes[1] reprend le close up
dialogique des deux figures moins les variantes.
Un modèle d’atelier, vêtu simplement d’une
tunique, joue le rôle du prophète. Récemment,
a été publié un dessin inédit trouvé dans le
fonds des Offices, étudiant de manière ciblée la
tête d’Aggée ainsi que la position de sa main
droite[2]. Guerchin reprend sur la fresque à
l’identique cette proposition dans un premier
temps, avant de la modifier. Le quatrième
dessin, conservé à Stuttgart à la Staatsgalerie[3],
est une étude de détail à la sanguine des bras du
prophète tenant la tablette. Le dessin de
Grenoble est le seul à préparer la figure de
l’ange. Peu de différences sont à noter entre
l’ange dessiné et celui peint. La disposition
générale est la même, à l’exception des mouvements
du drapé. Les ombres et les lumières sont
indiquées par un jeu de contraste, entre des
parties mises en réserve, exemptes de tout trait,
et des plages plus ou moins denses à la sanguine;
l’orientation d’ensemble en est reprise dans la
fresque. Seules les volutes tourbillonnantes du
drapé, matérialisées par de multiples traits, ne
trouvent pas leur correspondant pictural. Pur
jeu graphique. Ce dessin a en tout cas dû ou pu
servir de modèle lorsque Guerchin réalisa son
dessin sous-jacent (ou sinopie). Quelques
faiblesses (main droite notamment) nous
amènent à considérer qu’il a pu être fait par un
habile assistant du peintre.
[1] Inv. D 157.
[2] Inv. n. 124714 F.
[3] Collection Fachsenfeld, inv. III/87.
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