(Sans titre)

Ce dessin est entré au musée sous le nom du
peintre génois Andrea Semino. Ce type d’attribution
sophistiquée, alors qu’aucune annotation
ancienne ne figure sur le papier d’œuvre,
est telle que nous l’avons jugée pertinente et
recevable. Peut-être faut-il penser qu’un collectionneur
non identifié (aucune marque n’apparaît
sur le dessin) aurait reporté sur le montage
une inscription aujourd’hui disparue qui devait
figurer sur les bords de la feuille, laquelle aurait
été découpée en raison très certainement de son
état de conservation non satisfaisant. Cette
hypothèse est crédible : on distingue ainsi à
senestre un pied littéralement sectionné. Il
appartient à l’un des trois Rois mages vers
lequel se tourne celui représenté en pied tenant
un vase.
Si nous avons conservé le nom de Semino, nous
aurions pu en revanche changer le prénom.
Andrea est en effet issu d’une famille de
peintres, son père se prénommait Antonio (c.
1485 – 1554/1555) et son frère Ottavio (c. 1520
– 1604) était aussi peintre. Andrea et Ottavio
travaillèrent ensemble sur d’importants
chantiers de décorations fresquées dans de
grandes demeures patriciennes de Gênes, ainsi
qu’à Milan et à Pavie, d’où des difficultés persistantes
pour différencier les manières respectives
des deux frères, d’autant plus que celles-ci se
prolongent jusqu’au début du XVIIe siècle avec
les fils d’Andrea, Alessandro et Cesare, et
d’Ottavio, Giovanni Battista. Soprani jugeait
toutefois qu’Ottavio était plus talentueux que
son frère ; ce dernier fonda avec Luca Cambiaso
une académie où l’enseignement du dessin
d’après le modèle était promu. Le Louvre est la
principale collection à posséder des dessins des
deux frères. Sans la présence d’annotations
précisant leur prénom ou l’existence de
peintures en rapport (quoiqu’il faille redire que
les deux frères étaient partenaires…), il aurait
été bien difficile d’attribuer à l’un des deux
peintres ces dessins. Celui de Grenoble, préparatoire
à une Adoration des Rois mages (la figure
dessinée au verso correspond à celle d’un berger
pour une Adoration des bergers [1]), n’a malheureusement
pu être mis en rapport avec une
peinture connue. Un dessin se trouvait en 1980
sur le marché de l’art américain étudiant le
même sujet selon une tout autre disposition : il
était donné à Andrea [2]. La matière stylistique de
ces deux dessins correspond à celle que l’on
constate sur les feuilles du Louvre : des lignes
de contours souples, des formes pleines et une
complète occupation de l’espace qui renvoient
à une connaissance certaine de la manière de
Perino del Vaga qui travailla à Gênes, comme
on le sait, pour Andrea Doria.
[1] L’oeuvre d’Andrea Semino comprend une Adoration des bergers (Gênes, église dell’Annunziata di Portoria), mais aucun des bergers agenouillés n’adopte la pose étudiée sur le dessin de Grenoble.
[2] Galerie Herbert F. Feist à New York. Le dessin est reproduit dans le catalogue publié en 1980 par la galerie sous le no 4.