(Sans titre)

L’attribution de ce dessin au Parmesan devrait
relever de l’évidence tant son œuvre, aussi
lacunaire soit-il, est riche en nombre de feuilles.
La relative difficulté réside dans la juxtaposition
de quatre modes graphiques, répartis sur
les deux faces du dessin que, d’ordinaire, l’on
ne rencontre guère utilisés de manière aussi
concentrée. Le premier mode se caractérise par
une construction schématique des figures
constituées de contours internes et externes,
matérialisés par des traits repris et multipliés
tant à la sanguine qu’au stylet. Parmesan
cherche à établir la forme dans la reprise
constante du tracé. Ce procédé de construction
rappelle le componimento inculto de Léonard de
Vinci. Cela concerne les deux groupes de
figures du recto et les deux figures d’enfant du
verso. Le deuxième mode prend le contre-pied
du premier puisqu’il se matérialise par un usage
régulier de la sanguine, sans confusion aucune
de signes pour reprendre une expression
d’Armenini. C’est ainsi que la figure féminine
du verso, dessinée en haut de la page, présente
des contours précis et nets. L’analyse de l’application
de ce médium dénote fort certainement
que le dessinateur reprend un modèle
graphique dessiné sur une autre feuille à la
manière du premier mode. Le troisième mode
résulte de l’utilisation de la plume et prend la
forme bien souvent de têtes vues de profil. C’est
le cas de la figure masculine du verso. Les traits
sont secs. Étonnamment, la figure à la sanguine
qui la jouxte manifeste des caractéristiques
semblables. Enfin, le quatrième mode constitue
peut-être le degré zéro du dessin dans la
construction des formes tant celles-ci sont schématiques et réduites à une fonction simplement
sémiotique. C’est le cas de la tête et de la
main tenant des verges (?) figurées au verso en
bas à gauche : un trait de délimitation pour
chacun des membres, des cercles pour les yeux,
des traits pour la bouche et le nez. L’ordre
adopté dans la description de ces quatre modes
n’infère pas un déroulement chronologique de
mise en place des figures car il est très difficile
d’établir des séquences, même si l’on peut
présumer que celles appartenant au premier
mode ont été tracées en tout premier lieu, pour
la simple raison qu’elles remplissent pratiquement
tout l’espace disponible occupé par les
deux faces.
Ces quatre modes graphiques de construction
des formes appartiennent bien au Parmesan et
se retrouvent généralement isolés et circonscrits
individuellement, le plus souvent sur des
feuilles datant de la jeunesse de l’artiste. La
méthode traditionnelle des passages parallèles,
aussi faillible qu’elle soit, permet à ce stade de
l’analyse d’éclairer notre propos. Le premier
mode se retrouve sur une feuille anciennement
conservée à la Kunsthalle de Brême : il s’agit
également d’une étude pour une Vierge à
l’Enfant. Le deuxième mode peut trouver son
pendant dans un dessin appartenant au Louvre
étudiant un Enlèvement d’Europe (Inv. 6021) : les
« bouilles » des nymphes sont très proches.
Quant au troisième mode, il est très rare de le
rencontrer. La raison est simple : Parmesan
manie la plume ou la pierre pour construire des
formes complexes. On le trouve ponctuellement,
comme sur le dessin de Grenoble, sur
cette feuille conservée à Ottawa où une tête
d’enfant occupe la partie supérieure droite,
simplement faite de traits circulaires (musée des Beaux-Arts du Canada, inv. 14807.Verso de la feuille.). Le
quatrième et dernier mode est un genre qui
parcourt tout l’œuvre du dessinateur.
Nous avons volontairement associé dans notre
analyse, description des modes d’application
des médiums et manière dont ils apparaissent.
Il est vrai qu’il est difficile de dissocier
technique et style tant ils sont liés. Il n’est de ce
fait guère étonnant de constater que les dessins de comparaison mis en avant appartiennent à la
jeunesse de l’artiste (c. 1522-1524). Cela signifie
en retour que le dessin de Grenoble doit très
certainement dater de la même période. Quant
à sa destination, seules des conjectures peuvent
être émises. Les deux enfants à la sanguine
étudiés au verso pourraient appartenir au
dossier génétique des fresques peintes sur la
voûte du Camerino du château de Sanvitale à
Fontanellato, près de Parme, entre 1523 et 1524.
Pour les figures de la Vierge à l’Enfant, des
correspondances avec des figures peintes
précises sont plus aléatoires, tant ce motif
commun a été étudié et varié par Parmesan
pour divers projets de retables. Elles pourraient
s’intégrer dans deux dossiers préparatoires de
tableaux comme celui de la Vierge à l’Enfant
avec saint Jérôme et le bienheureux Bernardino
da Feltre, peint vers 1522 (disparu mais connu
par une gravure de Giulio Bonasone et une
copie peinte), ou encore celui d’une Sainte
Famille (Prado), datée des alentours de 1524.
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