(Sans titre)

Girolamo Francesco Maria MAZZOLA dit IL PARMIGIANINO
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix

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L’attribution de ce dessin au Parmesan devrait relever de l’évidence tant son œuvre, aussi lacunaire soit-il, est riche en nombre de feuilles. La relative difficulté réside dans la juxtaposition de quatre modes graphiques, répartis sur les deux faces du dessin que, d’ordinaire, l’on ne rencontre guère utilisés de manière aussi concentrée. Le premier mode se caractérise par une construction schématique des figures constituées de contours internes et externes, matérialisés par des traits repris et multipliés tant à la sanguine qu’au stylet. Parmesan cherche à établir la forme dans la reprise constante du tracé. Ce procédé de construction rappelle le componimento inculto de Léonard de Vinci. Cela concerne les deux groupes de figures du recto et les deux figures d’enfant du verso. Le deuxième mode prend le contre-pied du premier puisqu’il se matérialise par un usage régulier de la sanguine, sans confusion aucune de signes pour reprendre une expression d’Armenini. C’est ainsi que la figure féminine du verso, dessinée en haut de la page, présente des contours précis et nets. L’analyse de l’application de ce médium dénote fort certainement que le dessinateur reprend un modèle graphique dessiné sur une autre feuille à la manière du premier mode. Le troisième mode résulte de l’utilisation de la plume et prend la forme bien souvent de têtes vues de profil. C’est le cas de la figure masculine du verso. Les traits sont secs. Étonnamment, la figure à la sanguine qui la jouxte manifeste des caractéristiques semblables. Enfin, le quatrième mode constitue peut-être le degré zéro du dessin dans la construction des formes tant celles-ci sont schématiques et réduites à une fonction simplement sémiotique. C’est le cas de la tête et de la main tenant des verges (?) figurées au verso en bas à gauche : un trait de délimitation pour chacun des membres, des cercles pour les yeux, des traits pour la bouche et le nez. L’ordre adopté dans la description de ces quatre modes n’infère pas un déroulement chronologique de mise en place des figures car il est très difficile d’établir des séquences, même si l’on peut présumer que celles appartenant au premier mode ont été tracées en tout premier lieu, pour la simple raison qu’elles remplissent pratiquement tout l’espace disponible occupé par les deux faces.
Ces quatre modes graphiques de construction des formes appartiennent bien au Parmesan et se retrouvent généralement isolés et circonscrits individuellement, le plus souvent sur des feuilles datant de la jeunesse de l’artiste. La méthode traditionnelle des passages parallèles, aussi faillible qu’elle soit, permet à ce stade de l’analyse d’éclairer notre propos. Le premier mode se retrouve sur une feuille anciennement conservée à la Kunsthalle de Brême : il s’agit également d’une étude pour une Vierge à l’Enfant. Le deuxième mode peut trouver son pendant dans un dessin appartenant au Louvre étudiant un Enlèvement d’Europe (Inv. 6021) : les « bouilles » des nymphes sont très proches. Quant au troisième mode, il est très rare de le rencontrer. La raison est simple : Parmesan manie la plume ou la pierre pour construire des formes complexes. On le trouve ponctuellement, comme sur le dessin de Grenoble, sur cette feuille conservée à Ottawa où une tête d’enfant occupe la partie supérieure droite, simplement faite de traits circulaires (musée des Beaux-Arts du Canada, inv. 14807.Verso de la feuille.). Le quatrième et dernier mode est un genre qui parcourt tout l’œuvre du dessinateur.
Nous avons volontairement associé dans notre analyse, description des modes d’application des médiums et manière dont ils apparaissent. Il est vrai qu’il est difficile de dissocier technique et style tant ils sont liés. Il n’est de ce fait guère étonnant de constater que les dessins de comparaison mis en avant appartiennent à la jeunesse de l’artiste (c. 1522-1524). Cela signifie en retour que le dessin de Grenoble doit très certainement dater de la même période. Quant à sa destination, seules des conjectures peuvent être émises. Les deux enfants à la sanguine étudiés au verso pourraient appartenir au dossier génétique des fresques peintes sur la voûte du Camerino du château de Sanvitale à Fontanellato, près de Parme, entre 1523 et 1524. Pour les figures de la Vierge à l’Enfant, des correspondances avec des figures peintes précises sont plus aléatoires, tant ce motif commun a été étudié et varié par Parmesan pour divers projets de retables. Elles pourraient s’intégrer dans deux dossiers préparatoires de tableaux comme celui de la Vierge à l’Enfant avec saint Jérôme et le bienheureux Bernardino da Feltre, peint vers 1522 (disparu mais connu par une gravure de Giulio Bonasone et une copie peinte), ou encore celui d’une Sainte Famille (Prado), datée des alentours de 1524.

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