Escadron de cuirassiers
Guillaume Régamey accumule pendant sa courte vie d’innombrables dessins qui jouent autant le rôle de notes, de purs exercices de la main, que d’études préparatoires à la réalisation d’un tableau. Il acquiert ce goût passionné de l’étude sous la direction d’un professeur remarquable, Horace Lecoq de Boisbaudran, qui organise des classes de dessin en plein air et enjoint ses élèves de la Petite École à la pratique continuelle de l’observation et de la reproduction de mémoire. Si Régamey fréquente les cours de Barry au Museum, il se forme aussi seul en s’astreignant à dessiner chaque jour des chevaux dans les forges, les écuries et les abattoirs, et à étudier les attitudes des soldats le long des routes, autour des casernes et sur les champs de manœuvre. C’est dans la représentation des troupes de l’Empire que s’épanouit sa passion militaire. Régamey en chronique les principaux conflits au Salon de peinture ou dans des revues, telles que The Illustrated London News. Dans L’Escadron de cuirassiers, le dessinateur reproduit fidèlement les uniformes des cuirassiers en usage durant tout le Second Empire : les cuirasses en acier poli, ornées de deux bretelles de cuir, et les casques à cimier, garnis d’un plumet et d’une crinière en crins noirs, font l’objet d’un traitement délicat. Mais cette attention au détail se double d’un vigoureux effet de synthèse et d’ellipse, caractéristique du style de l’artiste. Comme dans Une batterie de tambours de la Garde impériale, présenté au Salon de 1865[1], les cuirassiers qui se tiennent sur deux rangs forment une puissante oblique. Toutefois, seuls les cavaliers du premier plan sont détaillés. La répétition allusive des corps, qui s’évanouissent le long de la ligne de fuite, crée un remarquable effet de profondeur que souligne la technique grasse du crayon Conté. Régamey utilise fréquemment ce procédé de frise dans la représentation des fantassins ou des cavaliers en manœuvre. On le retrouve par exemple dans le dessin de la Cavalerie sous l’averse[2] ou des Manœuvres[3]. Comme le note un critique dans la revue Art et décoration de juin 1914[4], « Personne, sauf Raffet, n’a rendu comme Régamey, la masse ou la ligne d’ensemble d’une troupe en marche ou en manœuvre, la cohésion et la souplesse de ses déploiements sur le terrain […]. La troupe forme un corps multiple, coloré et mouvant, ondoyant dans l’espace, sur la plaine, sous de grands ciels nuageux. » Estampé en bas à gauche de la marque asiatique de Félix Régamey, le jeune frère de l’artiste, le dessin est resté dans sa collection après la mort de Guillaume en 1875, avant d’être vendu à l’État en 1879 et envoyé au musée de Grenoble dès 1880.
[1] Dépôt du FNAC au musée des Beaux-Arts de Pau, inv. FH 565-254.
[2] Dijon, musée Magnin, n° 830.
[3] Non localisé, reproduit dans La Vie moderne, 9 octobre 1880.
[4] Art et décoration de juin 1914, n° 6.
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