Etudes de chiens, de chèvres et d'un lion

Giandomenico TIEPOLO
XVIIIe siècle
Plume et encre brune, lavis d'encre brune, sur un tracé préparatoire à la pierre noire sur papier crème filigrané
18,9 x 27,4 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins devant être exposés sur des cadres tournant autour d'un pivot, n°182).

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Cette feuille d’une grande fraîcheur réunit, éparpillées sur sa surface, une suite d’études d’animaux : des chiens de quatre races différentes, des chèvres et un lion. Au premier abord, on pourrait penser que Giandomenico Tiepolo a dessiné sur le vif, devant le modèle, ces animaux en ne tenant pas compte d’un quelconque lien entre les figures. En fait, J.Byam Shaw a démontré que Tiepolo reprenait et copiait des modèles gravés, réalisés par des graveurs du XVIIe siècle, tels Johann Heinrich Roos et Stefano della Bella. Il en est de même pour cette feuille : les chèvres sont inspirées d’eaux-fortes de Roos, appartenant à une suite de gravures intitulée Beesteboeckje, et le lion se retrouve dans une gravure de Stefano della Bella, appartenant à la série des Diversi Animali. Tiepolo les réunit et les juxtapose sur un support, au gré d’un travail qui ne se fit pas de manière synchronique ou dans un même laps de temps, comme le montre la double signature : celle que l’on doit considérer comme la première est maintenant recouverte d’un lavis correspondant à la crinière du lion. Ce recouvrement a obligé Tiepolo (qui signait systématiquement ses dessins) à reprendre sa signature en bas à droite. Il signifie par là même que le lion a été dessiné dans un second temps, à un moment génétique bien postérieur à celui qui a vu la réalisation des têtes se trouvant à main gauche. Il faudrait alors s’interroger sur la fonction de ce type de feuilles dont la typologie, à première vue, en faisant abstraction de ces repères référentiels, correspond à celle d’une feuille d’études. Sont-ce des répertoires de modèles, issus eux-mêmes de modèles, que le maître pourra utiliser à sa guise dans d’autres dessins, ceux-ci véritablement indépendants (ce que n’est pas le dessin de Grenoble, comme le montre l’ajout du lion), ou dans des peintures ? Fort certainement, en réunissant ces sept chiens, ces trois têtes de chèvre et ce lion, Tiepolo condense sur un même subjectile des éléments épars, issus de plusieurs modèles gravés. Cet assemblage facilite la conception d’œuvres indépendantes, en évitant de perdre du temps à consulter des suites de gravures. Et l’on sait qu’il a, par exemple, réalisé des dessins de ce type où sont montrés des chèvres et des boucs dans un paysage[1], des meutes de chiens[2] ou encore des lions, observés par des hommes cachés derrière des rochers[3].
Cette feuille semble donc bien un répertoire de modèles issu de modèles.


[1] Dans un dessin conservé au Metropolitan Museum, collection Lehman, inv. 1975.I.526.
[2] Dans un dessin conservé à l’Ashmolean Museum à Oxford.
[3] Dans un dessin conservé au Courtauld Institute à Londres. Ce dessin appartient à une série confrontant hommes et animaux.

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