Etudes de chiens, de chèvres et d'un lion

Cette feuille d’une grande fraîcheur réunit,
éparpillées sur sa surface, une suite d’études
d’animaux : des chiens de quatre races différentes,
des chèvres et un lion. Au premier abord,
on pourrait penser que Giandomenico Tiepolo
a dessiné sur le vif, devant le modèle, ces
animaux en ne tenant pas compte d’un
quelconque lien entre les figures. En fait, J.Byam
Shaw a démontré que Tiepolo reprenait et
copiait des modèles gravés, réalisés par des
graveurs du XVIIe siècle, tels Johann Heinrich
Roos et Stefano della Bella. Il en est de même
pour cette feuille : les chèvres sont inspirées
d’eaux-fortes de Roos, appartenant à une suite
de gravures intitulée Beesteboeckje, et le lion se
retrouve dans une gravure de Stefano della Bella,
appartenant à la série des Diversi Animali.
Tiepolo les réunit et les juxtapose sur un
support, au gré d’un travail qui ne se fit pas de
manière synchronique ou dans un même laps de
temps, comme le montre la double signature :
celle que l’on doit considérer comme la première
est maintenant recouverte d’un lavis correspondant
à la crinière du lion. Ce recouvrement a
obligé Tiepolo (qui signait systématiquement ses
dessins) à reprendre sa signature en bas à droite.
Il signifie par là même que le lion a été dessiné
dans un second temps, à un moment génétique
bien postérieur à celui qui a vu la réalisation des
têtes se trouvant à main gauche. Il faudrait alors s’interroger sur la fonction de
ce type de feuilles dont la typologie, à première
vue, en faisant abstraction de ces repères
référentiels, correspond à celle d’une feuille
d’études. Sont-ce des répertoires de modèles,
issus eux-mêmes de modèles, que le maître
pourra utiliser à sa guise dans d’autres dessins,
ceux-ci véritablement indépendants (ce que
n’est pas le dessin de Grenoble, comme le
montre l’ajout du lion), ou dans des peintures ?
Fort certainement, en réunissant ces sept
chiens, ces trois têtes de chèvre et ce lion,
Tiepolo condense sur un même subjectile des
éléments épars, issus de plusieurs modèles
gravés. Cet assemblage facilite la conception
d’œuvres indépendantes, en évitant de perdre
du temps à consulter des suites de gravures. Et
l’on sait qu’il a, par exemple, réalisé des dessins
de ce type où sont montrés des chèvres et des
boucs dans un paysage[1], des meutes de chiens[2]
ou encore des lions, observés par des hommes
cachés derrière des rochers[3].
Cette feuille semble donc bien un répertoire de
modèles issu de modèles.
[1] Dans un dessin conservé au Metropolitan Museum, collection Lehman, inv. 1975.I.526.
[2] Dans un dessin conservé à l’Ashmolean Museum à Oxford.
[3] Dans un dessin conservé au Courtauld Institute à Londres. Ce dessin appartient à une série confrontant hommes et animaux.
Découvrez également...
-
Mme Faure
1909 -
Homère et les bergers
vers 1932 -