Figure assise
L’aspect matériel de ce dessin permet de l’associer
immédiatement aux études de figures si
particulières de Bernardino Gatti, un des
décorateurs les plus importants de la suite de
Correggio. En effet, ce dessinateur avait
coutume, dans ses projets, de multiplier les
variantes en dessinant différentes postures sur
des morceaux de papier qu’il découpait, recollait,
superposait, pour finalement les mettre au
carreau, afin de les transposer aux dimensions
monumentales du décor.
Cette méthode analytique est le propre de ses
dessins à la plume, qui divergent de ses études à
la sanguine, beaucoup plus proches de
Correggio, auquel le nom de Gatti est généralement
associé. Les rehauts de blanc sont largement
utilisés pour indiquer les parties éclairées,
selon un éclairage rasant, qui laisse entièrement
dans l’ombre la jambe gauche, vue en raccourci.
Cette vision large des drapés évoque la culture
milanaise et Léonard de Vinci. On note que les
traits de la mise au carreau ne sont pas parallèles
aux bords de la feuille, telle qu’elle se
présente aujourd’hui, et que la figure semble
légèrement de travers par rapport aux bords du
papier. Il est probable que c’est là le résultat du
découpage de la feuille, à l’origine beaucoup
plus grande, et de son remontage, entraînant un
décalage par rapport à la verticalité de la figure,
et un rétrécissement de l’espace qui l’entoure.
L’arrivée de Gatti à Parme fut relativement
tardive, puisqu’il n’y est mentionné pour la
première fois qu’en 1559 après avoir travaillé à
Pavie, Crémone et Vigevano. Le dessin de
Grenoble, où s’exprime une forte personnalité,
est une étude précise pour l’une des figures
féminines de l’Assomption de la Vierge
(l’Assunta), peinte à fresque par Gatti
dans la coupole de l’église de Santa Maria della
Steccata de Parme, œuvre majeure de la
maturité de l’artiste. Cette figure féminine
drapée, dont l’identité n’a donné lieu à aucun
commentaire, est placée en avant des autres
personnages qui entourent la figure de la Vierge
portée en gloire, sur la gauche, non loin de la
figure d’Adam, lui-même vu de dos. Dans la
fresque, cette femme est voilée, alors que dans
le dessin seule est esquissée la forme de la tête,
tournée vers la gauche comme dans la peinture.
Le geste du bras est infléchi vers la droite, et la
main n’est plus ouverte comme le prévoyait le
dessinateur. Cependant, la position du bras et le geste de la main, paume largement ouverte, si
frappant dans le dessin, avaient déjà été utilisés
par Gatti dans le troisième apôtre depuis la
gauche dans la fresque de l’Ascension du Christ,
peinte dans la section centrale de la voûte de la
nef de l’église San Sigismondo, à Crémone, qui
porte la date de 1549. Ce jeu de variantes est
significatif du travail par étapes successives et
des tâtonnements du peintre, qui s’exerce
âprement dans ses dessins préparatoires
tourmentés, taillés à coups de ciseaux. Cette
méthode de travail n’est pas spécifique d’une
période. Gatti l’emploie d’un bout à l’autre de
sa carrière, puisqu’on la rencontre aussi bien
dans l’étude de Femme assise de dos du musée
de Besançon (Inv. D 2243) pour la Multiplication
des pains de San Pietro al Po, à Crémone,
datant de 1549-1550, que dans celle des Anges
chantant du Louvre (Inv. 3576) pour
l’Assomption de la Vierge du Duomo de
Crémone, commencée en 1573, mais laissée
inachevée.
Gatti travailla à la décoration de la coupole de la
Steccata de 1560 à 1570 ou 1572 [1]. E. Riccomini y
a signalé la marque d’une nette sensibilité à la
culture romaine, ou plutôt « romanista »,
n’excluant pas la connaissance du Michel-Ange
le plus récent (celui des fresques de la chapelle
Pauline, au Vatican) ou même des Histoires
d’Alexandre, que Francesco Salviati avait peintes
pour Pier Luigi Farnese, et qui se trouvaient
depuis les années 1545 environ à Piacenza : Gatti,
qui résidait alors à Piacenza, put en effet les
étudier, tout comme Giulio Campi, qui appartient
au même cercle de peintres lombards.
Un autre dessin, légué par Léonce Mesnard,
figure dans la collection de Grenoble sous le nom
de Gatti. Il s’agit d’une copie de l’étude d’Apôtre
annotée justement « nell’Ascenzione di
S. Sigismondo fuor di Cremona », provenant de
chez Reynolds (Inv. MG D 987).
[1] Dates données par G. Bora, « Bernardino Gatti detto il Soiaro », in cat. exp. I Campi e la cultura artistica cremonese del Cinquecento, Crémone, 1985, 1.13, p. 145-153, 147.
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