Figure assise

Bernardino GATTI dit IL SOJARO
XVIe siècle
Pierre noire, plume et encre brune, rehauts de gouache blanche oxydés, mise au carreau à la pierre noire, en superposition avec une seconde mise au carreau surajoutée à la sanguine, trait d'encadrement au crayon de graphite, indépendant du travail du dessinateur, quatre petits trous aux angles, sur papier beige composé de plusieurs morceaux de papier découpés et recollés
24,6 x 17,7 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3551, n°1505)

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L’aspect matériel de ce dessin permet de l’associer immédiatement aux études de figures si particulières de Bernardino Gatti, un des décorateurs les plus importants de la suite de Correggio. En effet, ce dessinateur avait coutume, dans ses projets, de multiplier les variantes en dessinant différentes postures sur des morceaux de papier qu’il découpait, recollait, superposait, pour finalement les mettre au carreau, afin de les transposer aux dimensions monumentales du décor.
Cette méthode analytique est le propre de ses dessins à la plume, qui divergent de ses études à la sanguine, beaucoup plus proches de Correggio, auquel le nom de Gatti est généralement associé. Les rehauts de blanc sont largement utilisés pour indiquer les parties éclairées, selon un éclairage rasant, qui laisse entièrement dans l’ombre la jambe gauche, vue en raccourci. Cette vision large des drapés évoque la culture milanaise et Léonard de Vinci. On note que les traits de la mise au carreau ne sont pas parallèles aux bords de la feuille, telle qu’elle se présente aujourd’hui, et que la figure semble légèrement de travers par rapport aux bords du papier. Il est probable que c’est là le résultat du découpage de la feuille, à l’origine beaucoup plus grande, et de son remontage, entraînant un décalage par rapport à la verticalité de la figure, et un rétrécissement de l’espace qui l’entoure. L’arrivée de Gatti à Parme fut relativement tardive, puisqu’il n’y est mentionné pour la première fois qu’en 1559 après avoir travaillé à Pavie, Crémone et Vigevano. Le dessin de Grenoble, où s’exprime une forte personnalité, est une étude précise pour l’une des figures féminines de l’Assomption de la Vierge (l’Assunta), peinte à fresque par Gatti dans la coupole de l’église de Santa Maria della Steccata de Parme, œuvre majeure de la maturité de l’artiste. Cette figure féminine drapée, dont l’identité n’a donné lieu à aucun commentaire, est placée en avant des autres personnages qui entourent la figure de la Vierge portée en gloire, sur la gauche, non loin de la figure d’Adam, lui-même vu de dos. Dans la fresque, cette femme est voilée, alors que dans le dessin seule est esquissée la forme de la tête, tournée vers la gauche comme dans la peinture. Le geste du bras est infléchi vers la droite, et la main n’est plus ouverte comme le prévoyait le dessinateur. Cependant, la position du bras et le geste de la main, paume largement ouverte, si frappant dans le dessin, avaient déjà été utilisés par Gatti dans le troisième apôtre depuis la gauche dans la fresque de l’Ascension du Christ, peinte dans la section centrale de la voûte de la nef de l’église San Sigismondo, à Crémone, qui porte la date de 1549. Ce jeu de variantes est significatif du travail par étapes successives et des tâtonnements du peintre, qui s’exerce âprement dans ses dessins préparatoires tourmentés, taillés à coups de ciseaux. Cette méthode de travail n’est pas spécifique d’une période. Gatti l’emploie d’un bout à l’autre de sa carrière, puisqu’on la rencontre aussi bien dans l’étude de Femme assise de dos du musée de Besançon (Inv. D 2243) pour la Multiplication des pains de San Pietro al Po, à Crémone, datant de 1549-1550, que dans celle des Anges chantant du Louvre (Inv. 3576) pour l’Assomption de la Vierge du Duomo de Crémone, commencée en 1573, mais laissée inachevée.
Gatti travailla à la décoration de la coupole de la Steccata de 1560 à 1570 ou 1572 [1]. E. Riccomini y a signalé la marque d’une nette sensibilité à la culture romaine, ou plutôt « romanista », n’excluant pas la connaissance du Michel-Ange le plus récent (celui des fresques de la chapelle Pauline, au Vatican) ou même des Histoires d’Alexandre, que Francesco Salviati avait peintes pour Pier Luigi Farnese, et qui se trouvaient depuis les années 1545 environ à Piacenza : Gatti, qui résidait alors à Piacenza, put en effet les étudier, tout comme Giulio Campi, qui appartient au même cercle de peintres lombards. Un autre dessin, légué par Léonce Mesnard, figure dans la collection de Grenoble sous le nom de Gatti. Il s’agit d’une copie de l’étude d’Apôtre annotée justement « nell’Ascenzione di S. Sigismondo fuor di Cremona », provenant de chez Reynolds (Inv. MG D 987).


[1] Dates données par G. Bora, « Bernardino Gatti detto il Soiaro », in cat. exp. I Campi e la cultura artistica cremonese del Cinquecento, Crémone, 1985, 1.13, p. 145-153, 147.

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