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L’annotation d’une écriture de la fin du XVIIIe siècle que l’on retrouve sur un certain nombre de dessins vénitiens, due à un collectionneur originaire de Venise, que l’on ne connaît malheureusement pas, mentionne le nom du peintre et dessinateur Gaspare Diziani. L’œuvre graphique de cet artiste actif principalement à Venise et à Belluno est important, et permet d’entériner cette proposition, non seulement parce que la matière stylistique est typique de celle de Diziani, mais surtout parce que la figure dessinée au recto prépare le détail d’une importante fresque peinte sur la voûte de l’église de San Bartolomeo à Bergame, représentant de manière grandiloquente et selon un programme iconographique complexe, le Triomphe de l’ordre des Dominicains à travers la figuration de ses principaux saints. Cette fresque a été peinte par Diziani en 1751 lors d’un séjour qu’il effectua dans la ville, pour répondre à cette commande en remplacement du peintre Mattia Bortolini, décédé à Milan, qui ne put mener à bien qu’une partie du programme. Le dessin de Grenoble prépare la figure de Dieu le Père, placée sur la fresque au sommet de la composition, en pendant de celle du Christ pour former l’iconographie classique de La Trinité (le Saint- Esprit occupe comme il se doit le centre de la triade). Peu de différences sont à noter entre le modèle dessiné et le modèle peint. La disposition d’ensemble est trouvée ; les attributs sont clairement établis (triangle divin, sceptre). Ce dessin occupe donc dans la genèse de l’œuvre peinte une place assez avancée. Diziani avant d’arriver à ce résultat a, bien entendu, produit un certain nombre de pensées graphiques, d’esquisses d’ensemble, avant de concentrer son attention sur le détail de chacune des figures[1]. Toutefois, le stade génétique constaté est rarement représenté dans l’œuvre dessiné de ce peintre où dominent avant tout les études d’ensemble à la plume et à l’encre brune sur un tracé à la pierre noire ou à la sanguine. C’est le cas pour le dossier de cette fresque. Cela rend l’étude grenobloise d’autant plus précieuse. L’étude dessinée au verso n’a, en revanche, pas de pendant peint et ne semble pas rentrer dans le dossier génétique du décor réalisé pour l’église bergamasque. V. Toutain-Quittelier avait proposé d’identifier le sujet comme un Moïse devant Pharaon. Il s’agit plus vraisemblablement d’un épisode de la vie de saint François de Paule, que l’on reconnaît au froc de bure à capuchon et au long bâton qu’il tient sous son bras, peut-être celui au cours duquel il est amené à rencontrer le roi Louis XI, qui l’avait fait appeler en France en 1482 dans l’espoir d’être guéri de sa maladie par ses prières. Le primo-tracé à la pierre noire a été posé avec une très grande rapidité. Seules les deux figures principales ont été reprises à la plume et à l’encre brune. Le caractère très spontané de ce premier tracé incite à penser qu’il s’agit d’un primo pensiero pour une composition non aboutie.
[1] Deux études de détails pour la disposition des groupes de figures sont conservées à l’Albertina à Vienne (inv. 25022) et au Museo Correr à Venise (inv. N. 5573). Il existe aussi un bozzetto à l’huile (Bergame, Accademia Carrara).
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