(Sans titre)

Ce dessin et le MG D 2015
, tous deux considérés par
Léonce Mesnard comme étant de Bernardino
Poccetti, mais mentionnés à deux endroits différents
de son inventaire, si bien qu’ils furent par
la suite séparés, sont en réalité de la main de
Sebastiano Vini. Ils correspondent aux lunettes
du cloître de l’église conventuelle de San
Domenico, à Pistoia, qui relatent les épisodes de
la vie de saint Dominique. Mesnard avait noté
dans son inventaire à propos du MG D 2015 qu’il s’agissait d’une étude pour
l’une des compositions du cloître de l’église de
l’Annunziata (sous-entendu à Florence). L’intuition
n’était pas mauvaise, puisque effectivement
les décorations des cloîtres florentins de la fin
du XVIe siècle ont été des modèles imités dans les
autres centres de Toscane, politiquement unifiée
dans le grand-duché.
En 1596, les pères dominicains furent les
premiers à Pistoia à faire décorer à fresque les
vingt-huit lunettes du grand cloître, qui servait
depuis des siècles de cimetière. Ce cycle a été
presque entièrement perdu pendant la dernière
guerre,mais une restauration en 1986 a permis
de récupérer sept fresques et dix-huit sinopies,
visibles sur place[1]. L’auteur, Sebastiano Vini[2],
peu connu hors de Pistoia, était alors l’artiste
local majeur, rendu célèbre comme décorateur
par son immense fresque du Martyre des dix
mille, peinte sur le mur du fond de l’église San
Desiderio. Originaire de Vérone, Vini se fixa à
Pistoia en 1548, sans perdre pour autant le
contact avec la Lombardie, où il retourna en
tout cas vers 1565, séjournant à Milan. Sa
manière de dessiner à la pierre noire, comme
ici, est plus proche de l’expression de certains
dessinateurs lombards que des Toscans.
Vini travailla occasionnellement avec Giorgio
Vasari, mais c’est à Pistoia que l’on trouve ses
nombreux tableaux. L’écriture des deux dessins
de Grenoble est en parfait accord avec celle de la
grande étude pour la fresque du Martyre des dix
mille de l’église San Desiderio (musée du
Louvre, inv. 1018) et celles du musée de
Varsovie, dont plusieurs ont pu être mises en
relation avec des peintures.
Vini peignit aussi pour les moines de San
Domenico, à l’intérieur de l’église, une fresque
cintrée dans la partie supérieure représentant
une Pietà ou plutôt un Christ mort au pied de
la Croix, soutenu par deux anges. Le croquis, au
verso du présent dessin, pourrait éventuellement
avoir quelque rapport avec cette œuvre,
le mot tronqué « Maria » écrit par le dessinateur
renvoyant alors au nom de « Maria De
Solis », dont la plaque funéraire est placée juste
au-dessus de la fresque.
Le prieur du couvent des dominicains,
Tommaso Manfredini, commanditaire des
lunettes peintes par Vini, était originaire
d’Orvieto, tout comme l’était Latanzio Lattanzi,
évêque de Pistoia entre 1575 et 158711. Ceci
explique qu’une toile de Vini, Saint Jérôme,
monogrammée et signée par l’artiste en 1580, se
trouve encore à l’heure actuelle dans l’église San
Francesco d’Orvieto. C’est à cette peinture,
récemment attribuée à notre artiste, que
correspond le plus beau des dessins de l’artiste
conservés à Varsovie, effectivement annoté
« Bastiano dal Vino veronese »[3].
La place laissée vide à la disparition de Vini fut
occupée par Alessio Giminiani, auteur à son
tour, avec l’aide d’autres artistes, de nombreuses
décorations conventuelles pour lesquelles il
dessinait les projets. La décoration du cloître
de San Domenico, laissée de côté par la
monographie consacrée aux Chiostri Seicenteschi
(1992), est le premier signal d’une vaste
campagne de restauration et d’embellissement
des cloîtres de Pistoia, qui s’épanouira au cours
du XVIIe siècle.
[1] L’une d’elles comporte l’inscription: « SEBASTIANUS VERONENSIS INVENTOR ET PICTOR A PISTORIENSIBUS REMUNERATUS. A. 1598 ».
[2] L'une des lunettes porte une inscription.
[3] Inv. no.Rys.ob.d.268.
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