Etude de mains féminines

Né à Londres en 1593, l’excellent portraitiste
Jonson van Ceulen s’est formé dans les Provinces-
Unies. Il est ensuite actif en Angleterre
entre 1617 et 1643, fuyant à cette date
les troubles causés par la guerre civile. Ses
portraits rappellent dans un premier temps
Mierevelt et Daniel Mytens et sont par la
suite marqués par les attitudes spontanées et
naturelles des modèles d’Antoon Van Dyck,
son cadet de six ans. Van Ceulen semble
pourtant avoir moins fréquemment travaillé
pour la cour d’Angleterre, privilégiant les
commandes aristocratiques. Signant Jonson
ou Johnson, il poursuit dès 1643 une carrière
dans les Provinces-Unies où il peint aussi des
portraits collectifs[1].
L’artiste n’a jamais été oublié : Cornelis de Bie,
Arnold Houbraken, Jacob Campo Weyerman,
Horace Walpole, Johan van Gool le mentionnent
fréquemment et parlent de ses oeuvres
qui ont souvent été gravées de son vivant. La
liste des personnages portraiturés, donnée par
Wurzbach, n’est pas seulement très longue mais
elle montre aussi la célébrité de l’artiste. Attitude
élégante et précision de la touche caractérisent
son oeuvre. Dans les Provinces-Unies, il
partage son style de portrait, marqué par Van
Dyck, avec Adriaen Hanneman et Jan Mytens
qui sont aussi liés à l’Angleterre.
Les dessins de Cornelius Janssens van Ceulen
sont fort rares et ceux qui lui ont été attribués
peu nombreux. Citons, parmi ses dessins sûrs,
le Portrait de Madame Schrade (Cornelia Strick
van Linschoten), exécuté à la pierre noire
et rehaussé de blanc, vendu chez Sotheby’s à
Amsterdam le 18 novembre 1975 (n° 124) ou
encore le Portrait de Helena du Booys-De Silveri,
conservé au Prentenkabinet der Rijksuniversiteit
à Leyde[2].
Deux autres études de mains, très proches de
celle de Grenoble, sont connues : l’une à Los
Angeles, au J. Paul Getty Museum (Inv. n°91.GB.57),
l’autre au Rijksprentenkabinet, à Amsterdam
(Inv. RP-T-1950-101). L’étude du Getty, préparatoire à
un portrait de femme conservé à Bruxelles[3], est exécutée dans une technique identique à
la feuille de Grenoble (pierre noire et craie
blanche sur papier bleu). Pourtant, elle n’atteint
ni l’élégance, ni la spatialité, ni encore la plasticité
de l’étude grenobloise. Cela est aussi valable
pour la feuille d’Amsterdam, Main du maire Jan
Cornelisz Geelvinck, exécutée au fusain et à la
craie blanche et préparant son portrait de 1646,
conservé à l’Amsterdam Museum.
Janssens a su donner aux mains de Grenoble
une vraie souplesse et, par les bracelets de
perles noués autour des avant-bras, il a pu
ajouter davantage d’éclat et d’élégance. Les
vigoureuses hachures font ressortir les mains
alors que les manches et l’éventail ne sont que
rapidement suggérés par quelques traits à la
pierre noire et à la craie blanche. Une annotation
autographe à la plume et à l’encre brune
sur le verso du dessin indique le nom du
modèle : « jouvrouw Hinloopen ». De quelle
femme, issue de la riche et puissante famille
Hinlopen (impliquée dans la Compagnie des
Indes orientales) s’agit-il ? Est-ce Catalina
Hinlopen, femme de Willem Six (1612-1677)
ou Sara Hinlopen (1623-1687) ?
Le dessin, qui a souffert de la lumière, est en
tout cas préparatoire à un portrait de femme
de 1652, publié en 1921 par Alexander J. Finsberg
et jadis présenté dans la galerie Arthur
Kay de Londres[4] ; celui-ci représente
donc logiquement une dame de la famille Hinlopen.
Les dessins hollandais du XVIIe siècle,
préparatoires à des portraits, demeurent un
domaine peu exploré. Même si leur nombre
est aujourd’hui limité, ces oeuvres existaient.
L’idée que l’artiste peint directement son portrait
sur la toile est confirmée par les séances
de pose mais concerne plus précisément les
traits du visage alors que la position des mains
et des vêtements est soigneusement préparée
sur papier.
[1] Baker, 1921, p. 221.
[2] Voir cat. exp. Bilbao, 1992, sous n° 41, repr.
[3] Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Inv. n° 2943.
[4] Voir Finsberg, 1921-1922, pl. LXXI.