Jeune homme courant vers la gauche

François PERRIER (attribué à)
XVIIe siècle
35 x 24,5 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins devant être exposés sur des cadres tournant autour d'un pivot, n°96);

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Cette grande étude pleine d’énergie est entrée au musée en 1902 sous le nom de Vouet par le legs Ménard. Le dessin fait rapidement partie des feuilles les plus appréciées du musée et figure parmi les rares œuvres graphiques bénéficiant d’une reproduction photographique dans l’ouvrage consacré aux collections en 1909 et financé par le général de Beylié.
Une annotation ancienne à la plume indique en bas à gauche le nom de Simon Vouet. La technique, l’animation de la figure, le type physique du personnage s’accordent en effet avec l’art du premier peintre de Louis XIII. Conservée par Barbara Brejon en 1987, cette attribution nous semble pouvoir être réévaluée à la vue des nombreuses découvertes de ces vingt dernières années concernant l’entourage de Vouet. En effet, grâce aux travaux de Jacques Thuillier (1991) et de Barbara Brejon, les caractéristiques de Vouet dessinateur se sont précisées et l’œuvre de ses élèves commence à être plus facilement dissociable du sien. Parmi les artistes ayant bénéficié de nouvelles recherches (Eustache Le Sueur, Nicolas Chaperon, Michel Dorigny…), c’est François Perrier qui nous semble être le meilleur candidat pour le dessin de Grenoble.
Après un long séjour à Rome où il travaille auprès de Giovanni Lanfranco, Perrier fait une halte à Lyon avant de rejoindre Paris vers 1631. Il entre alors au sein du prestigieux atelier de Vouet, revenu triomphalement d’Italie en 1627. Rapidement, Perrier devient un collaborateur privilégié. Il participe au décor du château de Chilly et en 1633, donne plusieurs estampes d’après ses propres œuvres. Ce séjour parisien est aussi intense que court, le peintre repart pour l’Italie au milieu des années 1630. Si notre dessin est bien de François Perrier, il ne peut avoir été réalisé que durant cette période. L’artiste est alors au plus proche du style de Vouet dont il interprète en peinture les projets dessinés. Les gravures réalisées d’après ses propres peintures, dont aucune, hélas, n’a encore été retrouvée, confirment l’influence de Vouet tout en laissant transparaître une personnalité autonome. Le seul dessin mis en rapport avec ces gravures, l’Étude d’homme couché de l’Albertina (Inv. 11209), préparatoire à Saint Roch priant pour les pestiférés et tous ceux qui ont pu y être rattachés par analogie [1] , présentent nombre de similitudes avec notre feuille. Perrier s’y montre plus énergique, voire plus brutal, et moins sensuel que Vouet dans les modelés. Son écriture graphique est plus synthétique, les yeux et les cheveux y sont souvent indiqués, comme ici par quelques simples traits assez épais. Ces particularités se retrouvent dans des dessins plus tardifs comme Femme demi nue (Paris, musée du Louvre, INV. 14347), préparatoire au Sacrifice d’Iphigénie, conservé au musée des beaux-arts de Dijon .
Ce dessin est exemplaire de la difficulté que nous avons aujourd’hui à comprendre le fonctionnement complexe des ateliers au XVIIe siècle. Celui de Vouet suscite encore de nombreuses questions sans réponses. Si son organisation générale a été précisée grâce aux recherches de Jacques Thuillier, si la personnalité de certains élèves est désormais mieux connue, le statut de beaucoup d’œuvres demeure encore bien problématique : Vouet ?, d’après Vouet par un élève ?, d’un élève dans le goût de Vouet ? …. Il est possible aujourd’hui de suivre la circulation des inventions de Vouet à travers des groupes d’œuvres de l’atelier. Une composition ou une attitude inventée par le maître peut-être reprise et modifiée par des élèves et se retrouve adaptée dans des compositions aux sujets bien différents. L’attitude du jeune homme de Grenoble, avec quelques modifications, trouve des échos dans un Apollon chassant les démons, gravé en 1632 par Perrier d’après Vouet, ainsi que dans une autre figure d’Apollon qui orne les lambris de la chambre de la Maréchale de La Meilleraye à l’Arsenal . Ce même lambris met en scène un Jupiter foudroyant, très proche d’un autre dessin du musée d’Angers, autrefois attribué à Vouet et à la jeunesse de Le Brun, et proposé pour Perrier par Michel Hilaire .
En attendant l’apparition d’une peinture ou d’une gravure, l’attribution que nous proposons à Perrier demeure hypothétique. Les affirmations les plus solides demeurent l’attachement de l’œuvre au cercle de Vouet et la datation dans les années 1630. Le personnage pourrait être aussi bien un simple figurant dans une scène de bataille ou mythologique tels qu’Apollon ou Actéon, dans l’épisode où ce dernier est dévoré par les chiens de Diane.


[1] François Perrier (attr. à), Homme debout prêt à tirer son épée, Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Icon. 397b, fol. 79 ; François Perrier (attr. à), Femme assise, la tête de profil à droite, Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Icon. 397b, fol.28. ). Nous rapprochons ici de ces quelques feuilles deux études à la pierre noire rehaussées de craie blanche, montrant avec d’infimes variantes la même Tête d’enfant levant les yeux, l’une conservée au Louvre (RF. 28156, album Cholmondeley, attr. à Vouet) et l’autre à la Kunsthalle de Brême (sous atr. A Vouet, Inv. 39/116).

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