Vue du beffroi d'Ypres

Pierre-Justin OUVRIÉ
24 août 1839
30,8 x 22,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don Emile CLET en 1877

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« M. Justin Ouvrié a l’œil heureux et découvre ces paysages intéressants avec la pénétration d’un archéologue et la sagacité d’un antiquaire ; sa couleur est, de plus, chaude, joyeuse et vraie, et fait ressortir à merveille les mille détails de ses constructions hybrides »[1]. C’est ainsi que Jules Verne fait l’éloge des paysages hollandais et allemands que l’artiste présente au Salon de 1857. Véritable portraitiste de villes, Justin Ouvrié est un élève d’Alexandre-Denis Abel de Pujol et du baron Taylor. Ce dernier l’invite d’ailleurs à participer à la grande aventure des Voyages pittoresques, lui confiant quelques planches du volume du Dauphiné paru en plusieurs livraisons en 1854. L’artiste est présent au Salon dès 1831 et se fait vite une spécialité des représentations de sites pittoresques et de paysages urbains à travers des toiles ou des aquarelles dont les critiques louent la lumière romantique et la grande exactitude architecturale. Aux constructions de son temps, Ouvrié préfère les traces du passé médiéval qui façonnent les centres anciens et donnent une identité particulière à chaque cœur de ville. Il affectionne aussi les vues fluviales qui laissent deviner sur les hauteurs la silhouette dentelée d’un bourg aux maisons agglutinées autour d’un clocher ou d’un château. Grand voyageur, il sillonne la France mais aussi l’Italie[2], l’Angleterre et les pays du Nord, comme la Hollande et la Belgique. Ce dessin, précisément daté du 24 août 1839, représente le beffroi de la ville flamande d’Ypres, dit aussi Maison de Ville. Symbole d’une certaine autonomie communale, le beffroi occupait le cœur de la vie politique au Moyen-âge, à la fois siège des assemblées, lieu de conservation des chartes et clocher pourvu d’un carillon permettant de sonner l’alarme en cas de danger. Commencé en 1200, cet édifice gothique – tour carrée surmontée d’un clocher et de quatre tourelles d’angle garnies de pinacles – surmonte l’immense halle aux draps, qui atteste de la grande prospérité du commerce des laines dans cette ville. Le beffroi, situé sur la grande place, se découvre ici en arrière-plan, encadré par les maisons médiévales à pans de bois de la rue qui se trouvait dans l’axe du monument. L’artiste a soigneusement fait figurer sur son dessin le double escalier ajouté à la Renaissance, qui a été supprimé depuis. Dans la vente de l’atelier de Justin Ouvrié de 1874, où ce dessin a probablement figuré sous le numéro 50[3], l’auteur de l’introduction loue la capacité de l’artiste à fixer « l’image de ces vieilles cités prises sous leurs aspects les plus pittoresques. […] Il a saisi l’esprit des clochers gothiques, des maisons de bois, des hauts pignons ». Ce dessin a aujourd’hui valeur de témoignage émouvant, ces maisons – détruites comme la plus grande partie de la ville par le bombardement de 1915 – ne seront pas reconstruites, contrairement au beffroi et à la halle aux draps. L’artiste reprendra ce motif du beffroi, mais cette fois embrassant la totalité du monument et vu de la grande place, dans un grand tableau peuplé de petites figures, qu’il présentera au Salon de 1847[4].


[1] Jules Verne, Salon de 1857, Troisième article, Revue des Beaux-Arts, 1857, t.VIII ; 15e livraison, p.286.
[2] Le musée de Grenoble conserve ainsi un dessin de la Chartreuse de Pavie, très détaillée. On trouve aussi dans la collection une vue de la Grande Chartreuse, datée de 1868 ainsi qu’un paysage de Saint Denis, près de Paris, tous trois au crayon graphite.
[3] « Sous ce numéro seront vendus environ 150 Dessins sous verres », Vente Justin Ouvrié. Catalogue des tableaux, études, aquarelles et dessins provenant de l’atelier de M. Justin Ouvrié. Le Lundi 21 décembre 1874, Paris, 1874.
[4] Acheté par le musée-château de Boulogne-sur-Mer en 1850.

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