Hall
En 2007, Isa Genzken est choisie pour
représenter l’Allemagne à la Biennale de
Venise. La pièce installée dans le pavillon, Oil,
assemblage d’objets hybrides et de matériaux
contemporains, offre une image acerbe du
mode de vie et de l’environnement urbains
du XXIe siècle naissant. Son œuvre renouvelle
le regard qu’avaient porté Richter, Polke et
Lueg sur la société de consommation dans les
années 60 avec le Réalisme capitaliste. Genzken
étudie l’histoire de l’art et la philosophie, la
photographie et les arts graphiques à Hambourg
et Berlin, puis rejoint l’académie d’art de
Düsseldorf. Séjournant souvent à New York,
elle crée dans les années 70 des objets abstraits
empreints de l’héritage de l’art minimal.
À partir de 1983, ses sculptures en plâtre,
évoquant l’intérieur d’une tête (impulsée par
la reconstruction du Merzbau de Schwitters),
évoluent vers des formes architecturales qui
dialoguent avec les projets utopiques des
constructivistes des années 20 (Architectones de
Malévitch, Proun de Lissitzky).
En 1986, Genzken inaugure une série de
sculptures en béton posées sur des piédestaux
en acier. Les matériaux sont directement
empruntés au monde de la construction et le
processus de fabrication laissé apparent : des
rainures horizontales irrégulières correspondent
aux couches successives du béton coulé dans
les moules en bois. Ajoutant à l’ambiguïté des
œuvres, qui oscillent entre sculpture et maquette
d’architecte, les titres, Salle, Corridor ou, comme
ici, Hall, font référence à l’architecture par la seule
présence d’un fragment. S’agissant de Hall (1987),
des murs aveugles enserrent un espace vide
qu’une unique ouverture étroite laisse entrevoir,
la force plastique de l’œuvre tenant autant
à la présence des murs massifs qu’à l’espace
intérieur. Le haut piédestal élève quant à lui la
sculpture au niveau de l’œil du spectateur, qui
la découvre depuis un point de vue en contreplongée.
Cette perspective confère à l’œuvre
une monumentalité inattendue qui contraste,
cependant, avec l’impression d’inachevé ou
d’effritement due à la surface brute et cassante
du béton, paradoxalement matériau moderne de
la durée. Métaphore de l’Histoire, allusion au mur
de Berlin ou ruine contemporaine, la sculpture
d’Isa Genzken se veut le reflet d’une société qui
se construit en édifiant les bases de sa propre
destruction.
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