Moines dans une église gothique en ruines

En ce début de XIXe siècle, l’intérêt de plus en plus marqué pour le patrimoine malmené durant la période révolutionnaire suscite une nostalgie empreinte de lyrisme chez nombre d’artistes et d’auteurs. La concomitance entre le renouveau religieux auquel Châteaubriand contribue par son Génie du Christianisme et un goût particulier pour l’époque médiévale constitue de ce fait le ferment idoine à la réalisation des scènes de genres baignées d’historicité propres au mouvement « troubadour ». Principalement connu pour ses paysages et vues d’architectures comme celles peintes à la demande de Louis- Philippe pour Versailles, Charles-Caïus Renoux expose régulièrement au Salon de 1822 à 1843. Très vite ses vues d’intérieur ou de plein air agrémentées de petits personnages lui valent un grand nombre d’admirateurs dont le fondateur du musée de Cluny. Par ailleurs, son talent pour peindre la nature et les ruines va lui permettre de prendre part à la grande publication commencée en 1820 sous la direction du Baron Taylor, Voyages Pittoresques et Romantiques dans l’ancienne France, en collaborant au volume dédié à la Bretagne. Le tableau du musée de Grenoble révèle les vestiges d’une église gothique envahie d’une végétation sauvage dans laquelle le peintre introduit des pèlerins devant un tombeau, l’un avec le bourdon, bâton béni symbolisant la défense de la Foi, auquel est suspendu la calebasse remplie d’eau, l’autre vêtu de son pourpoint. Les deux personnages sont judicieusement mis en valeur par la pointe de l’ombre triangulaire que l’artiste a fait naître sur le sol de la droite vers la gauche. Le monde terrestre ainsi mis en forme, le regard se porte naturellement vers l’arrière-plan, monde céleste baigné de lumière qui s’ouvre sur une nature sauvage animée de petits personnages. Au-delà de la vision symbolique de la nature et de l’esprit, il se dégage de cette œuvre une poésie délicate caractéristique de l’esprit « troubadour » dont Renoux est l’un des acteurs les plus marquants.