Le Cadavre

Félix VALLOTTON
1894
68 x 117,3 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Lionel Prejner en 1981

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En 1885 Félix Vallotton achève ses études à l’académie Julian à Paris et expose pour la première fois au Salon avec un portrait qui révèle son admiration pour Hans Holbein. C’est après avoir contemplé pour la seconde fois Le Christ mort (1521) de ce maître du XVIe siècle, au Kunstmuseum de Bâle, qu’il commence à travailler sur Le Cadavre. Sa démarche n’a rien d’unique car, à la fin du XIXe siècle, la représentation de la mort est un véritable sujet d’école, et parmi les artistes qui traitèrent ce thème, le peintre suisse Ferdinand Hodler inspira à son tour Vallotton. Ce tableau frappe par son réalisme et son degré de précision. Pour y parvenir Vallotton a observé un cadavre à l’hôpital et réalisé des études préparatoires. Il décrit cet homme mort avec un souci du rendu d’une grande justesse et un goût du détail poussé à l’extrême, comme le montrent la raideur du corps et des membres, la maigreur des chairs, la vue des os à travers l’épiderme et les plis de la peau aux articulations. La lumière blafarde qui éclaire uniformément le corps ainsi que la couleur chair posée en couches fines et transparentes, additionnée de brun, de gris et de vert, rendent la vision de ce cadavre encore plus saisissante. Posé à même un sol crevassé dans un lieu indéterminé, le corps semble totalement abandonné. Le dépouillement de cette mise en page renforce la sensation de solitude et d’angoisse liée à la mort. Si Vallotton s’inspire directement du Christ mort d’Holbein, il retire toute signification religieuse ou métaphysique à son propre tableau, comme en témoigne l’étoffe noire qui cache le visage. Rendu ainsi anonyme le cadavre n’est plus à ses yeux qu’un corps en voie de décomposition. Dans l’ultime dessin préparatoire à la peinture, de grand format, figurait la Vierge. On devine encore sa silhouette dans le fond du tableau sur la gauche ; accroupie, drapée dans un manteau, les mains croisées sur les genoux, elle s’appuie sur un rocher. En effaçant sa présence Vallotton donne tout son poids au réalisme dont il se réclame. Comme il le fera à d’autres reprises, il s’approprie un sujet connu pour le détourner de son sens traditionnel.

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