Meurtre n°2

Au début des années 60, alors que la scène
artistique est dominée par l’abstraction, une
nouvelle génération d’artistes réinvestit le
langage figuratif. C’est ainsi qu’en 1962, à la suite
de la découverte du Pop art, Jacques Monory
abandonne sa profession de graphiste et détruit
tous ses tableaux abstraits pour peindre de
manière réaliste. En 1964 et 1965, il participe
à deux expositions devenues mythiques,
organisées par le critique Gérald Gassiot-Talabot,
Mythologies quotidiennes et Figuration narrative,
qui réunissent des peintres comme Erró, Bernard
Rancillac et Hervé Télémaque. Dans un climat
international tendu, ces artistes témoignent des
bouleversements du monde contemporain dans
un langage pictural qui emprunte à l’univers des
médias et de la bande dessinée. Passionné de
cinéma, Monory utilise la technique du report
photographique, projetant sur la toile des clichés
souvent tirés de films noirs et de la télévision,
qu’il combine à ses souvenirs ou à ses rêves.
Dans l’impressionnante série des vingt-cinq
Meurtres, le peintre mêle réalité
autobiographique et fiction, en jouant de
la juxtaposition et du télescopage d’images
tronquées, introduisant dans la peinture une
temporalité et une atmosphère de suspense
propres au langage cinématographique. Tel
le héros des films de son enfance, l’artiste
apparaît dans le rôle de l’homme abattu par
un coup de revolver dans chaque tableau de
la série, à l’exception des derniers, où il est
sauvé et devient tueur à son tour, la peinture
opérant une catharsis.
Dans Meurtre n°2, l’effet
chronophotographique de décomposition
du mouvement ainsi que le basculement des
images lui permettent de mettre en scène
la brutalité de la chute, un de ses thèmes
de prédilection. La violence du meurtre est
renforcée par un décor de carreaux froids et
de néons. Devenue l’emblème de l’œuvre, la
monochromie bleue agit quant à elle comme
une mise à distance, « un écran pare-balles » ou
un voile, celui du rêve. L’artiste s’en est expliqué
en ces termes : « Le bleu est en adéquation
avec ce que je veux dire, que le monde est assez
effroyable, mais que peut-être il n’est qu’une
illusion. »
Découvrez également...
-
Assiette contournée à 12 lobes, moulés en relief
3ème quart XVIIIe siècle -
Et la narine d'Amin
1976 -
Femme vue de dos avec deux enfants
XVIe siècle