Fête champêtre
Publié dès 1874 dans le catalogue du musée
de Grenoble comme « inconnu de l’école flamande
», puis correctement attribué à l’artiste
en 1878, bien que par erreur les auteurs aient
continué jusqu’en 1913 à le cataloguer à Grenoble
comme « Inconnu, école flamande », ce
dessin a pu être examiné sur place par l’historien
de l’art Cornelis Hofstede de Groot,
comme celui-ci l’indique dans son fameux
fichier conservé au centre de recherche artistique
de La Haye[1].
La vie de Potuyl est encore aujourd’hui inconnue
et les premiers biographes, notamment
Arnold Houbraken, ne le mentionnent pas. Il
est possible qu’il s’agisse d’un artiste amateur
qui exploite avec succès un sujet très populaire
en Hollande au milieu du XVIIe siècle. Pourtant,
sa production dédiée à la vie des paysans figure
dès cette époque dans les inventaires hollandais
de la riche bourgeoisie d’Amsterdam,
comme nous l’indique l’étude d’Abraham
Bredius[2]. Heureusement, Potuyl signe souvent
ses dessins. D’après les oeuvres datées connues,
l’artiste travaille sans doute à Amsterdam
entre 1639 et 1650.
On connaît aussi de sa main quelques peintures
d’intérieurs rustiques. Dans ces oeuvres,
les paysans et les natures mortes rappellent
curieusement certains peintres de l’école de
Rotterdam comme Hendrick Sorgh[3]. Une
Foire de village[4] et une Nativité[5], toutes deux
signées, représentent d’autres sujets abordés
par l’artiste.
C’est par ses dessins, illustrant des amusements
de paysans, que l’artiste demeure le plus
connu aujourd’hui. Exécutées au graphite,
comme à Grenoble, ou à la pierre noire, ces
feuilles utilisent comme support le parchemin,
ce qui leur confère un caractère précieux.
Cette Fête champêtre aux traits fluides et
sinueux possède une vivacité propre à l’artiste.
Un cavalier presque trop élégant, une paysanne
sur ses genoux, jouit de la vie lors d’une
fête paysanne. Son chien, symbole de la fidélité,
s’est endormi derrière lui alors que la fête
bat son plein. À gauche, des hommes chantent,
boivent et fument ; dans l’arrière-plan à droite, un violoniste anime la danse. Grâce au costume
de l’homme, notamment sa collerette, il
est possible de dater cette feuille du début des
années 1640. Il existe d’autres dessins stylistiquement
comparables. : une feuille, Paysans
assis devant une taverne, a été vendue chez
Sotheby’s à Amsterdam, le 16 novembre 2005[6],
une Taverne avec des paysans a disparu au
Kupferstichkabinett de Dresde en 1945[7] et une
Danse des paysans est conservée à la Kunsthalle
à Hambourg[8].
D’autres artistes ont été rapprochés de Potuyl,
en premier lieu les Amstellodamois Pieter
Quast, Guillam de Heer ou encore Cornelis
Moninckx actifs à La Haye[9], tous des dessinateurs
de scènes de genre paysannes sur parchemin
à la manière de Brouwer ou Ostade
et de leur école (Bega, Dusart). Travaillant
pour des citadins qui se délectent de scènes
tirées de la vie rustique, ces trois artistes ne
se départent jamais d’une certaine décence.
Avec Potuyl, ils ont en commun l’observation
aiguë des scènes populaires, le juste maniement
de la pierre noire ou du graphite et le
sens de l’humour, avec un arrière-plan souvent
moralisateur. Leurs dessins, à l’instar de
cette Fête champêtre, connaissent un grand
succès à la fin du XVIIe siècle, au point que
ce genre de scène devient à cette époque un
signe distinctif de l’art hollandais. Ainsi, ces
oeuvres seront très rapidement recherchées
sur tout le continent.
[1] Le Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie (RKD) à La Haye conserve ce dépouillement des catalogues de vente (fin du XVIIe siècle – milieu du XXe siècle environ) pour tous les artistes néerlandais. La mise en ligne de ces fichiers (« RKDexcerpts ») présente, à notre avis, une des avancées les plus considérables des dernières années dans le domaine de la recherche sur les artistes du Nord.
[2] Bredius, Künstler-Inventare, La Haye, 1915-1922, 8 volumes.
[3] Voir le tableau de Potuyl, Intérieur d’une grange, daté de 1639, conservé aux musées royaux des beaux-arts de Belgique à Bruxelles, Inv. n°2880.
[4] Vente hôtel Drouot, Paris, 28 mai 1971, n°178, repr.
[5] Vente Sotheby’s, Londres, 27 mars 1968, n°13, repr.
[6] Voir vente Sotheby’s, Amsterdam, 16 novembre 2005, n°47, repr.
[7] Voir Dittrich, 1987, n°934.
[8] Voir Stefes, 2011, n°826.
[9] Voir pour ces trois artistes Bol, Butôt et Keyes, 1981, n° 105-107.