Red Curve IV

Ellsworth KELLY
1973
254 x 254 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Denise René en 1975
Localisation :
SA42 - Salle 42

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L’année 1954, où Ellsworth Kelly quitte Paris pour les États-Unis est aussi celle de la mort de Matisse, dont l’œuvre a profondément marqué l’artiste. Pendant son séjour parisien, le peintre américain a échafaudé son œuvre abstrait au contact des travaux des époux Arp, de Braque, Brancusi, Mondrian et Vantongerloo, et inauguré des séries de grilles colorées qui témoignent de la radicalité de sa démarche. L’artiste affirme alors : « Je n’ai jamais eu envie de peinturlurer. » Le retour de Kelly aux États-Unis au moment où New York s’impose comme la nouvelle capitale artistique mondiale, est aussi pour l’artiste une façon de prendre ses distances avec la doxa de l’abstraction géométrique. Des séries modulaires voient alors le jour ; elles se rapprochent de l’art minimal d’un Judd ou d’un Stella, tout en affirmant leur lien étroit avec l’observation de la nature. L’originalité de Kelly consiste à privilégier la courbe mais également à ouvrir son champ d’expérimentation aux « lois du hasard » (Arp) afin de contrebalancer l’aspect arbitraire de ses travaux. Dès 1963, l’artiste, loué par le critique d’art Michael Fried pour ses assemblages de panneaux monochromes, devient l’un des grands représentants de l’art minimal.
Réalisée l’année de la rétrospective de l’artiste au MoMA de New York, Red Curve IV séduit d’emblée par sa pureté formelle et sa syntaxe restreinte : un fragment de disque vient s’emboîter harmonieusement dans une portion de carré. La forme découpée, d’un rouge irradiant, semble tendue comme la corde d’un arc dans l’angle d’un demi-carré blanc. Un dialogue d’une grande intensité s’instaure entre les deux figures géométriques élémentaires, entre le fond et la forme, les couleurs rouge et blanche. Écho des croquis de feuilles autrefois réalisés par l’artiste, la forme nette et hypnotisante avance et recule magistralement sur le fond blanc. Sa couleur vive, insistante, à la limite de la saturation, porte la trace des gouaches découpées de Matisse. Ici, comme dans de nombreuses œuvres des années 70, la découpe relie directement la composition au mur, qui devient partie intégrante de l’œuvre et en constitue également le fond, répondant ainsi au concept d’œuvre ouverte mis en place par John Cage. Comme dans Blue diagonal with Curve (Musée d’art moderne et contemporain Saint-Étienne Métropole), la peinture apparaît comme la partie d’un tout qu’il est nous seulement permis d’imaginer.

Un autre regard

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