Ikaraundi

Déçu de l’enseignement de l’architecture à
Madrid, Eduardo Chillida abandonne ses études
et s’installe en 1947 à Paris pour se consacrer à
la sculpture. Il visite le Louvre, où il est fasciné
par la statuaire grecque archaïque et l’art
des Cyclades, et rencontre Ellsworth Kelly et
Brancusi, dont il découvre l’atelier. Ressentant
le besoin de se confronter physiquement à la
résistance d’un matériau, il commence à tailler
le plâtre puis la pierre et crée des sculptures
inspirées de la figure humaine, torses et bustes.
Cependant, les volumes fermés ne le satisfont
pas. En 1951, il décide de rentrer définitivement
au Pays basque et de faire table rase de tout ce
qu’il a appris. C’est là qu’il découvre, derrière
chez lui, la forge de Manuel Illaramendi. Pour
Chillida, c’est une révélation ; cet artisanat
ancestral lui permet de libérer l’espace enfermé
dans la matière. Il réalise sa première sculpture
en fer forgé, Ilarik, une œuvre abstraite où deux
formes s’encastrent et s’équilibrent grâce au
vide qui les sépare. S’élabore ainsi le langage que
l’artiste déclinera dans l’acier, le bois, l’albâtre
ou sur le papier : des compositions linéaires qui
génèrent des volumes ouverts, et dont il dira :
« J’aime le net et le découpé, avec des écarts, des
retournements qui créent la distance, provoquent
ces silences ou ces vides, comme on voudra, où la
forme peut vibrer. »
Ikaraundi appartient à une série commencée en
1955 avec Fers de tremblement. L’artiste découpe
une plaque de fer épaisse (l’œuvre de Grenoble
en est un tirage en bronze) qu’il tord et étire
dans un mouvement de spirale suivant un axe
horizontal, l’œuvre pouvant être posée sur un
socle ou sur le sol indifféremment d’un côté ou de
l’autre. Chillida construit le volume en exerçant
une force sur le métal. La sculpture en est la trace
dans l’espace, comme l’écriture d’une vibration
qui s’est propagée par poussées, plissements
et ruptures jusqu’à soulever la matière. Pour
l’artiste, « sculpture et musique ont le même
espace ». Ikaraundi résonne comme un chant
rythmé qui fait exister le silence.
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