Peinture (Villiers)

« Depuis l’âge de quatorze ans, j’ai toujours eu les mêmes besoins spirituels. J’ai toujours été intéressé par deux pôles : l’érotique et le magique. J’ai toujours eu la sensation de vivre dans un univers mystérieux », écrit le peintre et poète Atlan à Michel Ragon. D’origine judéo-berbère, Jean- Michel Atlan quitte l’Algérie en 1930 pour faire des études de philosophie à Paris. Professeur au lycée Condorcet, il est révoqué en 1941 en raison des lois antisémites ; il commence alors à peindre et à écrire. Résistant, il est arrêté et échappe à la mort en simulant la folie, se faisant interner à Sainte- Anne d’où il sortira pour participer aux combats de la Libération. En 1944, il publie Le Sang profond, un recueil de poèmes qu’il illustre de ses propres œuvres et expose pour la première fois à la galerie L’Arc-en-Ciel. L’exposition sera suivie de celles à la galerie Denise René (1946) puis à la galerie Maeght (1947). Son langage gestuel, générateur d’images-signes puissantes, rapproche Atlan du mouvement Cobra auquel il participe occasionnellement. Si elle a été associée à l’art informel, sa peinture, ni abstraite ni figurative, demeure celle d’un esprit libre qui refuse l’étiquette d’une école ou d’un style et cherche, à l’instar d’Appel ou de Dubuffet, à retrouver la force des totems des arts primitifs. Mosaïque de formes aux couleurs contrastées, Peinture a été réalisée un an avant la disparition de l’artiste. Le sous-titre Villiers fait référence au lieu de son exécution mais nullement à quelque explication sur la forme énigmatique, mi-abstraite mi-animale, qui surgit de l’entrelacs de traits au noir profond. Atlan part de la matière, dont il dit que « tout est là » : une matière brute, sans vernis, des pigments peu dilués sur une toile visible en réserve. La matité de la couleur confère à l’image la présence tactile de la fresque ou de la peinture pariétale. L’artiste part également du rythme créateur de formes, comme il l’écrira en 1959 dans une Lettre aux amis japonais : « Nous qui croyons faire de l’art, nous remuons aussi des forces magiques infiniment redoutables. Cette magie est avant tout rythme, car c’est le rythme qui est à l’origine du souffle et de la vie, c’est le rythme qui invente les formes, c’est le rythme qui insuffle à la danse ce quelque chose de sacré qui anime aussi la peinture. »
Découvrez également...
-
Nature morte aux poissons
XIXe siècle -
Sans titre
2000 -