Jeune femme au chapeau
De la même manière que Pissaro, Degas ou Monet, Auguste Renoir renonce à l’impressionnisme dans ses années tardives après en avoir été une figure de proue et avoir participé aux grandes expositions du mouvement. Quand le maître s’installe à Cagnes dans la célèbre maison des Collettes en 1908, il est moins fasciné par l’art français du XVIIIe siècle tant admiré à ses débuts que par la tradition classique. Le voyage effectué en Italie au début des années 1880 l’a profondément marqué, et, dès 1909, Renoir, apprécié de Matisse et Giorgio de Chirico, se mesure au Titien et à Véronèse mais aussi à Ingres dont il admire le portrait de Madame de Sennones. Ici, ce n’est visiblement pas l’effigie de la brune Gabrielle Renard, son modèle fétiche, recrutée dès 1894 pour veiller sur ses enfants Jean et Claude et maintes fois portraiturée, mais il s’agit vraisemblablement de Madeleine Bruno, son modèle attitré après 1908. Moins sensuel que les nombreuses variations cotonneuses et évanescentes réalisées autour de la figure de Gabrielle – le corsage entrouvert, se parant tantôt de bijoux, tantôt de roses, et ce jusqu’en 1917 –, le tableau de Grenoble doit beaucoup à l’admiration que portait Renoir aux portraits renaissants. À Rubens dont il vénérait la plénitude des formes et les couleurs, il emprunte ici ses coloris, et à Titien l’ordonnancement de sa composition : portrait en buste, fond uni et visage émergeant au-dessus d’un chemisier blanc modelé par des gris tendres. La jeune femme, l’air mélancolique et boudeur, se tient bien droite sur un fond rouge incarnat dont se fait subtilement l’écho la rose qui orne son chapeau. À la fugacité de la vie moderne, Renoir semble ici privilégier l’ordre et la géométrie de la Renaissance. La même année, l’artiste portraiturera son fils Claude en clown dans une œuvre dont la composition est un héritage du classicisme et notamment des portraits d’apparat de Vélasquez.
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