Partie de cartes dans une hôtellerie

David Teniers le Jeune est l’un des principaux peintres de genre flamands du XVIIe siècle. Il fut formé par son père, le peintre d’histoire anversois David Teniers I, puis reçu franc-maître à la guilde de Saint-Luc en 1632-1633. Ses scènes paysannes à la manière d’Adriaen Brouwer le rendirent rapidement célèbre, et son style fut amplement imité jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. La Partie de cartes, qui peut être datée des années 1643-1645, reprend une formule mise au point par l’artiste pour décrire les intérieurs d’auberge : une pièce à angle droit et à double niveau éclairée par la gauche. Cette disposition permet l’agencement des personnages en deux groupes. À l’arrière-plan, un homme richement vêtu donne de l’argent à un vieillard, l’aubergiste sans doute. Le chassé-croisé des regards laisse entendre qu’il s’agirait de la rétribution d’une nourrice. Au premier plan, les joueurs de cartes semblent absorbés par leur partie. Un des joueurs cependant, vraisemblablement l’artiste, montre son jeu au spectateur et l’invite à devenir complice. Teniers a profondément renouvelé la manière de Brouwer. L’agitation des personnages de son aîné, campés dans des intérieurs enfumés, a fait place à une composition claire et structurée, Teniers ménageant soigneusement des vides autour de certains éléments comme les objets au mur ou le chien, rendus minutieusement. Le camaïeu de gris et de brun, baignés dans une lumière chaude et dorée, est animé par quelques touches de couleur vives : le rouge d’une toque, le blanc des cartes, d’un béguin et d’un bonnet ainsi que l’orangé de la mangeoire à oiseau. Quelques objets que l’on trouve dans les vanités, pipes cassées à terre, bougie éteinte ou cruche à vin, parsèment l’espace comme autant d’évocations de la nature éphémère des plaisirs matériels. À ces éléments s’ajoute une probable allusion à l’épisode biblique du Festin de Balthasar : l’homme écrivant sur une planchette rappelle par son geste la main mystérieuse qui traça sur le mur les mots d’une prophétie menaçante à l’égard du roi cupide. Quant au chien, assis sagement en retrait et en observateur, il semble incarner la pensée méditative.