Peinture (Tête)

Au même titre que celle de Picasso, l’œuvre de Miró, par sa liberté créatrice et son iconoclasme latent, occupe au XXe siècle une place inédite qui lui confère la stature du mythe et l’élève au rang de l’universalité. Ancrée dans la terre catalane de son enfance, elle voit le jour dans les années 10 avec les peintures dites « détaillistes » de Montjoig, scènes réalistes et paysannes qui doivent beaucoup à l’art naïf et au cubisme naissant. Installé à Paris en 1920, l’artiste enrichit sa pratique des nombreux allers-retours effectués entre l’Espagne et la France. Posant un regard émerveillé sur le monde qui l’entoure, Miró donne progressivement corps à ce que l’on a parfois qualifié de « Mirómonde » (Jacques Dupin), autrement dit à la création d’une peinture onirique et stellaire où se mêlent étrangement le réel et le rêve. L’artiste connaît la consécration au milieu des années 20 avec ses « peintures de rêve » (Dupin) dont la magie poétique séduit les surréalistes tels que Robert Desnos et Michel Leiris auxquels il se joint rue Blomet. En 1930, proche de l’esprit de Georges Bataille et des expérimentations de Masson, Miró se livre à des explorations matiéristes préparant, dit-il, son adieu à la peinture. Peinture (tête) figure une immense tête schématiquement dessinée et colorée à la hâte en violet. Un gribouillage bleu, de grands traits brossés rapidement et une tache sombre, donnant l’illusion d’un trou noir, révèlent la violence qui anime alors l’artiste. Celui-ci dit se livrer ici à « la sensation qui lui griffe l’âme. » « Mon unique certitude est que je veux détruire, détruire tout ce qui existe en peinture. J’éprouve un profond mépris pour la peinture. » Avec cette toile maculée de taches irrégulières, l’artiste semble vouloir exprimer une peinture originelle en gestation, celle d’un monde en latence : celui de l’acte créateur même et de l’espace comme « matière matricielle » (Agnès de la Beaumelle). Peinture (tête) appartient à ces œuvres « belles comme des ricanements ou des graffitis » dont Michel Leiris soulignait la force. Jusqu’aux Constellations des années 40, l’œuvre de Miró oscille entre une peinture proche de la poésie – alphabet plastique ou création de signes – et une peinture matiériste guidée par une forme d’automatisme. Le motif de la tête trouvera de nouveaux développements dans les peintures « sauvages » des années 1934-1935. Avec les grandes compositions de l’année 1930, qui tiennent presque du all over et annoncent l’expressionnisme abstrait, il affirme son retrait de la peinture pour la pratique du collage et de l’objet trouvé.
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