L'Homme et la Femme

Découvert par Marinetti, en tant que poète,
Fillia est l’un des fondateurs et théoriciens du
futurisme à Turin, sa ville natale, où il a toujours
vécu à l’exception de courts séjours à Paris.
Durant les années 20 et 30, il est un des chefs
de file de la seconde génération du futurisme,
au moment où ses acteurs s’ouvrent aux
avant-gardes européennes, le post-cubisme,
le purisme et le constructivisme. Toujours
soucieux d’exprimer et de glorifier la vitesse et
le dynamisme, avec le développement accru de
l’aéronautique les futuristes adoptent un thème
nouveau, celui de « l’aéropeinture », codifié
en 1929 dans un manifeste signé Marinetti. Il
s’agit d’enregistrer les sensations visuelles et
psychiques produites par le vol ainsi que les
transformations que celui-ci exerce sur les êtres
humains, dans leur manière de percevoir le
temps et l’espace.
Dans ce tableau intitulé L’Homme et la femme,
l’obliquité des corps et leur position parallèle
engendrent une sensation de déplacement de
type ascensionnel. La présence en arrière-plan
des deux surfaces monochromes grises souligne
le phénomène de basculement de l’image à
l’intérieur du cadre statique de la toile et accroît
par là même l’impression de mouvement. Pour
illustrer la mutation de l’homme soudain en
prise avec l’univers, et sa façon de l’appréhender,
l’artiste mêle figures et motifs abstraits. En
dehors de tout habitacle, les deux protagonistes
évoluent aisément dans l’espace. Leurs corps
stylisés, à la manière de ceux de Fernand
Léger, sont enveloppés de formes ondulées qui
génèrent une sensation de légèreté et de liberté.
À l’exception du gris brossé en aplat, les couleurs
chatoyantes savamment dosées jouent de leur
transparence et se superposent tels des nuages
qui défilent dans le ciel. Le choix de teintes
éclatantes comme le rouge et le brun, étrangères
à l’univers céleste, accroît le caractère surnaturel
de la scène.
Unique dans les collections publiques françaises,
ce tableau fait partie du don du comte
Emanuele Sarmiento effectué en 1933, qui
comprend 23 oeuvres dont une peinture de
Prampolini, 3 de Tozzi, 9 de De Pisis et un dessin
de Modigliani. Le comte Emanuele Sarmiento
soutenait la création des jeunes artistes italiens
et fit bénéficier de son importante collection
le musée de Grenoble ainsi que le Musée d’art
moderne de la Ville de Paris.
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