Opus 1

En 1917, à la fin de ses études à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, Victor Servranckx est engagé comme dessinateur dans une usine de papier peint où il travaillera pendant huit ans. Sa période la plus créative et la plus connue, tant sur le plan artistique que théorique, se déroule durant les années 20. Proche des idées défendues par les puristes, il est l’un des premiers artistes en Belgique à s’engager dans la voie de l’abstraction. Il collabore à la revue 7 Arts et en 1922 écrit, avec Magritte, L’Art pur. Défense de l’esthétique. Deux ans plus tard, dans sa première exposition personnelle à la galerie royale de Bruxelles figure cette œuvre parmi les cent quatre exposées.
Opus 1 est une des rares sculptures de l’artiste et sa plus importante ; deux de ses peintures la représentent en 1923, dont la fameuse Exaltation du machinisme. Elle donne lieu, dès son origine, à plusieurs tirages en cire, en marbre, en onyx ou en bronze. À la recherche d’un art universel, Servranckx a recours à un langage constitué de formes, de volumes, de profils clairs et distincts. Il privilégie la ligne courbe, le cercle et la sphère (contrairement à ses contemporains, membres de De Stijl), et, par souci de lisibilité, s’applique à les rendre avec précision dans leur pureté et leur plénitude. Opus 1 se présente comme une sphère amputée du quart de son volume s’ouvrant en une forme ovoïde qui dévoile à son tour deux demi-sphères : une en volume et une en creux. Une tension spatiale s’exerce entre le plein et le vide, entre le positif et le négatif. Ces rapports d’opposition ont aussi une portée symbolique en lien avec les œuvres antérieures de l’artiste. Le volume plein, pôle masculin, fusionne avec le volume en creux, pôle féminin, pour donner la vie, incarnée dans ce qui s’apparente à un œuf. Cette image de la naissance évoque également celle du mouvement au sein d’une œuvre à trois dimensions.
Servranckx donna cette sculpture, ainsi qu’une peinture, _Opus 55. Règne de l’acier poli _, à l’issue d’une exposition sur l’art moderne belge organisée par le musée de Grenoble en 1927.