Pont-en-Royans

Charles Cottet est surtout connu pour être le chef de file des peintres de la « bande noire », groupe de naturalistes qui, dans les dernières années du XIXe et au tout début du XXe siècle, s’attachent à montrer l’âpreté de la vie des marins ou la mélancolie des pardons en terre de Bretagne. Renouant avec le réalisme d’un Courbet, ces artistes, parmi lesquels on compte Lucien Simon et André Dauchez, usent de teintes ombreuses et de formes synthétiques pour appréhender la réalité sociale d’une région restée en marge du progrès, où la religion imprègne chaque acte d’une vie marquée par la mort et la désolation. Ni folklorique, ni documentaire, la peinture de Cottet raconte la solitude et la douleur des êtres de ce pays de la mer, des veuves en habit noir arpentant la lande d’Ouessant ou de Sein, des femmes de Camaret en procession autour d’une chapelle brûlée ou des pêcheurs en partance pour de longs séjours en mer. L’artiste est aussi un paysagiste inspiré qui ne retient de la nature bretonne, faite de landes et de rochers, que le fracas des tempêtes et la noirceur des orages. Ce mélange de pittoresque et d’émotion imprègne pareillement ce grand dessin de Pont-en-Royans, réalisé lors d’un séjour en Dauphiné en 1904. Ce village niché au pied du Vercors, avec ses maisons agglutinées surplombant les gorges de la Bourne, est un site remarquable dont Louis Vagnat s’est inspiré, près de cinquante ans auparavant. Charles Cottet use de fusain, avec quelques rehauts de sanguine et de craie, pour brosser cette enfilade de maisons colorées dont les reflets prolongent les lignes verticales. Ici, nulle échappée vers le ciel, nulle trouée de lumière ne vient soulager l’impression ténébreuse qui se détache du site. Oppressante et mélancolique, la vision de Cottet s’attarde sur l’aspect rocailleux des pentes, sur les façades imbriquées les unes dans les autres, à peines percées par de rares fenêtres. Pour Jacques Copeau[1], dans l’article qu’il consacre à l’artiste en 1911, « la plupart des études de l’artiste (sont) sourdement lumineuses ». Il ajoute : « L’ombre envahissante ou fugitive vient toujours lécher quelque coin du tableau. Elle est là, comme un souvenir ou comme une menace. C’est une présence qui trouble la solitude et l’anime ». La taille remarquable de ce dessin, réalisé directement sur un carton très épais et encadré, en fait clairement une œuvre aboutie, que l’artiste décline la même année en couleur et dans un format plus réduit (MG 2440) . Les couleurs terreuses, assourdies, à l’huile sur papier marouflé sur toile, renforcent encore l’impression d’étouffement. La peinture et le dessin ont été donnés par l’artiste à l’État en 1921 pour être envoyés au musée de Grenoble. En 1908, l’artiste déclinera cette composition à l’eau-forte en couleurs dont il présentera un tirage définitif au 5ème Salon de la Gravure Originale en couleurs la même année[2].
[1] Jacques Copeau, « Charles Cottet », in Art et Décoration, septembre 1911, p.272.
[2] Charles Cottet, Pont-en-Royans, 1908, Paris, bibliothèque de l'INHA, collection Jacques Doucet.
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