Gros temps (marine)

Félix ZIEM
XIXe siècle
20,3 x 27,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don Mme Alice-Ursule, veuve Félix Ziem Treilles en 1921

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Peintre de Venise et de Constantinople, de marines éclatantes et de paysages de Barbizon, Ziem est un artiste prolifique dont la réputation souffre parfois de cette abondance de production et de la répétition à l’envi des mêmes thèmes. Mais la vision prismatique, qui éclate les formes en touches de couleurs lumineuses, le goût du plein air, la prédilection pour les thèmes maritimes, l’intérêt pour les variations atmosphériques qui lui font écrire dans son journal « ciel bleu, soleil doré ; ciel nuageux, le soleil perce à peine », font de Ziem un des précurseurs de l’impressionnisme, à légal de ses amis Boudin et Jongkind. « Chez M. Ziem, la mer est une gaze verte, aussi fine et aussi transparente que le voile d’une touriste anglaise, les navires sont de gaze sans excepter le mât et le gouvernail. […] L’esprit n’a jamais rien conçu de plus léger, les yeux n’ont jamais rien vu de plus brillant. Mais on craint toujours une goutte de pluie qui viendrait tout abattre, ou une bouffée d’air qui viendrait tout emporter », remarque Edmond About devant les marines de Ziem en 1855[1]. Cette aquarelle de tempête – offerte au musée de Grenoble par la veuve de l’artiste en 1921 pour remercier Andry-Farcy d’y avoir introduit l’art moderne [2] – illustre à merveille ce propos. L’atmosphère lourde, la dissolution des formes dans les éléments liquides, pluie et vagues, la lumière pourtant éclatante qui scintille sur l’écume et dans la trouée des nuages, donnent à cette tempête des accents de réalité, d’instant saisi sur le vif, même s’il est plus probable qu’elle a été recréée en atelier. S’il est difficile de dater et situer cette scène, la forme des bateaux avec leur grande voile latine, longue et triangulaire, suggère que l’on est en présence de tartanes, ces embarcations de pêche méditerranéennes, à voiles et à rames. C’est donc probablement à Martigues, où ces bateaux étaient utilisés pour la pêche au thon, que Ziem a peint cette aquarelle. L’artiste s’établit dans cette ville en 1860, installant son atelier au bord du chenal de Caronte, face à l’étang de Berre. Les scènes de tempête sont exceptionnelles dans la production très abondante de l’artiste. On en trouve une seule, sur toile, datée de 1846 et conservée au musée du Petit-Palais à Paris, mais son style plus descriptif la place plus tôt que l’aquarelle de Grenoble[3]. Lucienne Del’Furia, conservatrice en chef du musée Ziem à Martigues, propose pour cette dernière une datation antérieure à 1880. C’est en aquarelliste que Ziem entre dans la carrière artistique et enseigne même cette technique à l’aristocratie lors de son voyage en Russie en 1844. Lors de la vente de trente aquarelles en 1868, Ziem sollicite son ami Théophile Gautier pour écrire la préface du catalogue. Celui-ci loue les qualités du peintre en ces termes : « D’instinct, il choisit le point de vue particulier, l’effet rare, l’heure caractéristique, la couleur étrange et spéciale. Sa vérité a quelquefois l’air d’un paradoxe, mais elle n’en est pas moins exacte, et sur le fond réel de la nature, il fait chanter comme un chœur aérien les mélodies de la couleur[4]. »


[1] Edmond About, Voyage à travers l’exposition des Beaux-Arts, Paris, 1855, p. 186-187.
[2] « Don de Mme Vve Félix Ziem pour montrer sa satisfaction devant les nouveaux remaniements du musée de Grenoble – août 1921 », inscrit de la main d’Andry-Farcy dans l’inventaire du musée.
[3] Félix Ziem, La Tempête, 1846, huile sur toile, Paris, Musée du Petit-Palais, inv. PPP272.
[4] Théophile Gautier, « Les aquarelles de Ziem », Moniteur universel, 28 décembre 1868.

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