Album de croquis

Jean-Alexis ACHARD
vers 1844 - 1860
14,8 x 23 x 1,5 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de l' Association pour la création d'un Musée des artistes dauphinois en 2015

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Ce carnet de croquis est un des rares exemplaires conservés de l’artiste, les autres ayant tous été démantelés pour la vente. Resté dans la famille, celui-ci est demeuré intact. Couvrant la période de 1844 à 1860, il constitue un formidable témoignage sur la méthode de travail de Jean Achard et nous renseigne sur ses sujets de prédilection : rives d’étangs, berges de rivières, massifs d’arbres, arches de ponts, orées de forêts ou arbres couchés par le vent. Travaillant sur le motif, Achard esquisse ses paysages en quelques traits rapides, pour garder le souvenir d’un lieu, noter les tonalités de chaque élément naturel et saisir les contrastes d’ombre et de lumière. Par la suite, ces croquis sont autant de motifs qu’il réutilise dans ses tableaux, peints en atelier. Reflet d’un travail quotidien, le carnet est utilisé dans les deux sens. Souvent, une étude est placée tête-bêche avec la suivante, au gré des rencontres et de l’inspiration. Parfois, même, des paysages se déploient sur deux pages en un large panorama. Ce carnet s’enrichit au fur et à mesure des pérégrinations de l’artiste. Après l’Ain et ses falaises caractéristiques, il découvre l’Ile de France où il dessine régulièrement dans les années 1860. Sous l’impulsion de son fidèle ami François-Louis Français , il peint la Seine à Bougival. On reconnaît ainsi sur de nombreuses feuilles l’aqueduc de Marly. Deux bras de la Seine y créent de petites îles et l’on traverse le fleuve à l’aide de passeurs qui mènent de longues barges à fond plat. Puis, Achard s’installe dans la vallée de Chevreuse autour de Cernay, nouveau Barbizon où de nombreux artistes se retrouvent comme Henri Harpignies , son élève et Léon Germain Pelouse. La page n°20 représentant la Dent de Crolles est une esquisse à la sanguine pour le tableau exposé au Salon de 1845 et conservé au musée du Louvre[1]. Cette énième étude de ce massif de la région grenobloise atteste que Jean Achard, malgré ses nombreux déplacements, n’oublie pas pour autant son pays natal où il fait des incursions régulières. Avec le temps, les paysages se font de plus en plus inhabités et dépouillés, signe que l’artiste délaisse la précision géographique au profit du sentiment de la nature. Il consigne dans ses carnets des vues de sites pittoresques, des silhouettes d’arbres mais aussi des effets de ciel et de nuages en utilisant un grand nombre de techniques (crayon de couleurs, plume et encre noire, lavis et même sanguine). La sanguine, brûlée ou non, est pourtant d’un usage peu courant chez l’artiste. Ici, il emploie toutes les nuances du brun-rouge pour brosser de merveilleux bosquets d’arbres. Parois, le lavis souligne légèrement les volumes tandis que le travail d’estompe lui permet de retrouver en atelier les valeurs saisies sur le vif. Certaines pages offrent des études délicates de ciel, crayonnées en couleurs. « Achard qui ne savait pas peindre un ciel disait que celui-ci n’existait pas »[2], écrit Eugène Boudin. Mais les séjours d’Achard à Honfleur, de 1858 à 1861, sous l’impulsion de François-Louis Français et sa rencontre avec le maître, ont visiblement transformé sa perception.


[1] Jean Achard, Paysage, Environs de Grenoble, 1845, Paris, musée du Louvre, département des Peintures, Inv. 2200.
[2] Lettre à Jehan Jourdan parue dans Le Petit Normand du 8 juillet 1900 et cit. dans Germain Jean-Aubry, Eugène Boudin, Neuchâtel, 1968.

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