(Sans titre)

Ernest Constant SIMON
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix

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Cette petite aquarelle ni signée ni datée – trouvée dans le cabinet des dessins, sans nom d’artiste ni numéro d’inventaire et dont la provenance est inconnue –, comportait quand même une inscription sur son montage ancien : « Lazerges ou Constant Simon ». Si l’attribution à Paul Lazerges, le fils d’Hippolyte n’est pas incongrue – les palmiers au verso sont en effet très proches de ceux peints à l’huile par l’artiste dans ses scènes de l’oued algérien –, il est plus probable que cette aquarelle soit de la main d’Ernest Constant Simon. En effet, l’Orient de Paul Lazerges est exclusivement algérien et le paysage du recto est clairement une vue des bords du Nil, région où Ernest Constant Simon s’est rendu à de nombreuses reprises au cours de sa vie. Il décède d’ailleurs en 1895 au Caire, lors de son dernier périple artistique en Égypte. La facture de cette délicate feuille correspond tout à fait aux autres aquarelles connues de l’artiste sur le même sujet, en particulier Fayoum et Route du marché à Fayoum, Égypte, de 1893, respectivement vendues à Paris et à Douai ces dernières années[1]. On reconnaît ici le vocabulaire typique de tout paysage égyptien des bords du Nil, vers Assouan – l’architecture des maisons de terre en toit-terrasse, les palmiers aux longues tiges, le minaret de brique rouge et les longs mâts des felouques–, traité dans une veine assez subtile. Le crayon graphite structure les différents plans du paysage quand l’aquarelle accentue les maisons et la végétation dans des teintes pastel. La lumière chaude du ciel et des lointains, l’ocre du sable au premier plan et la délicate teinte bleutée de l’eau, offrent à la scène un écrin qui, plus encore que les éléments pittoresques choisis par l’artiste, affirme le caractère méridional du paysage où évoluent deux silhouettes féminines en costume typique du Maghreb. Au verso, le dessin au crayon graphite, plus abouti et précis, montre un parapet et deux silhouettes de palmiers et dénote une certaine habileté de la main que le recto ne permet guère de juger. Élève d’Armand Cassagne[2] puis d’Émile Dardoize[3] dont il épouse la fille, Ernest Constant Simon se définit, dès sa première participation au Salon de 1880, comme un aquarelliste de voyage, essentiellement orientaliste. Sa brève carrière (neuf années) est marquée par un nombre considérable de voyages, à raison de deux déplacements par année, en Bretagne tout d’abord, puis en Suède, Hollande, Martinique, Espagne ou Italie. Mais c’est dans le bassin méditerranéen qu’il trouve sa plus belle inspiration. Dès 1886, il sillonne l’Algérie, et un an après, découvre la Tunisie et parfait sa connaissance de l’Afrique du Nord par des voyages en Égypte et au Maroc en 1893. Parmi les cinquante-deux aquarelles qu’il expose à la galerie Georges Petit en 1894, un an avant sa mort, trente-trois concernent les pays du Maghreb. De son voyage en Égypte de 1893, il n’expose pas moins de vingt-deux paysages, essentiellement des vues du Fayoum et du Caire. Rendant compte de cette exposition dans Les Parisiens de Paris en 1896, Eugène Guérin nous instruit sur sa méthode de travail : « Simon est arrivé à une rapidité et à une sûreté d’exécution vraiment remarquables […]. Il lave entièrement son papier avec une éponge imbibée d’eau, puis applique ses tons sans jamais les retoucher et sans employer la gouache. Le papier – ce sont ses propres expressions – doit être un vitrail qui fait chanter les couleurs[4]. » Montrant la vallée du Nil, cette feuille a sans doute été réalisée durant le dernier voyage de l’artiste, entrepris à contrecœur en janvier 1895 et dont il ne reviendra pas. Les œuvres d’Ernest Constant Simon sont rares dans les collections publiques, à l’exception peut-être du musée du château de Vitré qui conserve cinq vues aquarellées et pittoresques de la ville, datant de 1890, et une autre de l’intérieur d’une mosquée dans le Généralife de Grenade, datée de 1893[5].


[1] Ernest Constant Simon, Fayoum, aquarelle, 1893, vente Drouot Richelieu, Paris, jeudi 18 décembre 2014, Tableaux modernes, Art nouveau, Art déco, lot 28 ; Ernest Constant Simon,_ Route du marché à Fayoum, Égypte_, aquarelle, vente Douai, 28 juin 2009, lot 172.
[2] Armand Théophile Cassagne est un peintre et aquarelliste rattaché à l’École de Barbizon. Il est l’auteur de nombreux traités pratiques de dessin dont un Traité d’aquarelle en 1875.
[3] Paysagiste, ami de Jean Alexis Achard avec qui il peint en plein air à ses côtés à Cernay, dans la vallée de Chevreuse. Lithographe et illustrateur, Dardoize voyage dans les Alpes.
[4] Eugène Guérin, « Ernest Simon », in Les Parisiens de Paris, silhouettes artistiques, VI, Paris, 1896, p. 40.
[5] Musée du château de Vitré, inv. 832 à 835, inv. 915 et 917.

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