Carnet de dessins, Nevers 1860
« Puis, je me rappelle le bonheur que j’eus à feuilleter ces albums où Jongkind aura laissé le meilleur de son œuvre en ces dernières années. Je les feuilletai un soir pour la première fois, et cela remplit ma nuit de visions intenses »[1], se souvient Jean Celle dans son éloge funèbre de Jongkind en 1891. Toute sa vie, l’artiste emporte dans ses voyages des carnets toilés de toute taille, plus ou moins luxueux, qu’il couvre de croquis et d’aquarelles. Le cabinet des arts graphique du musée du Louvre en conserve 32 sur les 41 recensés dans l’atelier après la mort de l’artiste. Ces deux derniers, restés en mains privées et entrés au musée de Grenoble en 2013 par don, ont échappé à l’étude complète réalisée par Marie-Pierre Salé lors de l’exposition Jongkind du musée d’Orsay en 2004[2]. Leur intérêt artistique moindre (seuls quelques croquis méritent le nom de dessins), leur mauvais état de conservation (les reliures sont abîmées et les feuilles menacent de se détacher) expliquent peut-être leur vente très peu de temps après le décès de l’artiste, et leur absence de l’inventaire du fonds d’atelier. Commencés lors de ses séjours dans la Nièvre en 1860 puis 1870-1871, ces deux calepins nous permettent d’entrer intimement dans le processus créatif de l’artiste puisque ces documents de travail, notations d’éléments de paysage ou d’attitudes de personnages, sont assortis de notes manuscrites n’ayant pas pour destination l’exposition au public. L’artiste inscrit les adresses des gens avec qui il est en relation, une liste de lieux visités lors d’un voyage ou encore ses dépenses sur plusieurs jours en 1871, nous faisant ainsi pénétrer par inadvertance dans ses préoccupations quotidiennes. Dans le plus ancien, acheté chez Muller à Paris, on trouve quelques caricatures, des croquis de bâtiments de ferme, un attelage de bœufs du Nivernais et une route campagnarde. Le second, sans doute commencé à Nevers, semble plutôt avoir servi à l’artiste en Hollande car on y découvre des bateaux dans un port, la vue d’une ville mais surtout beaucoup de notes et de listes . Ce sont avant tout des adresses de gens rencontrés. Ces deux carnets éclairent d’un jour nouveau ses séjours en Nivernais, déjà illustrés au musée de Grenoble par au moins deux œuvres : une aquarelle, La Route de Nevers (MG 2678 ), 1871 et un dessin au crayon Conté, Frontispice pour un cahier de huit eaux fortes, Paysages de Nevers (MG 3352 ), 1871, tous deux contemporains du deuxième carnet.
[1] Cit. dans Etienne Moreau-Nelaton, Jongkind raconté par lui-même, Paris, 1918, p. 156.
[2] Marie-Pierre Salé, « Les albums de Jongkind, la " machine à percevoir " », dans Jongkind, 1819-1891, cat. exp. Paris, musée d’Orsay, 1er-juin -5 septembre 2004, Paris, 2004, p. 181-190.
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