La Continence de Scipion

Originaire de Montpellier, Sébastien Bourdon se rend à Rome en 1634. Il y découvre les tendances les plus variées de l’art de son époque : les Bolonais, et en particulier Annibal Carrache, Pierre de Cortone et, bien sûr, Poussin. Il assimile leur leçon avec une étonnante facilité et se rend vite célèbre en pastichant les œuvres de nombreux artistes. Protestant, il subit les foudres de l’Inquisition et ne doit son salut qu’à son retour à Paris en 1637. D’abord influencé par Vouet dont il intègre l’atelier, il se rapproche vers 1645 de la veine classicisante de Poussin. La Continence de Scipion, saisie à la Révolution et envoyée par l’État à Grenoble en 1811, doit dater de cette période où le talent exubérant de Bourdon se tempère pour incarner à merveille, comme Le Sueur, La Hyre et Stella, ce moment de pureté classique que l’on nomme « l’atticisme parisien ». Le sujet, raconté par Tite-Live dans ses Annales, illustre l’histoire de Scipion l’Africain renonçant, après la prise de Carthagène, à sa part de butin – une jeune princesse indigène d’une grande beauté – pour la rendre à son père et à son fiancé. Le thème, déjà traité par Poussin en 1640, donne la part belle à la figure de la ravissante jeune fille dont le geste de la main, posée sur la poitrine, est directement emprunté à la statuaire antique, la Vénus pudique ou Vénus Médicis. La lumière qui jaillit de la gauche se concentre sur son visage et son vêtement ainsi que ceux de ses compagnes, quand l’ombre s’étend sur les figures masculines. Le chien, symbole de fidélité, ainsi que l’enfant au premier plan échappent à cette obscurité. Le savant équilibre chromatique où dominent les couleurs primaires, le mouvement calme et mesuré des plis, la retenue dans les expressions et la composition rigoureusement symétrique, multipliant les obliques et les verticales, font de cette peinture un des chefs-d’œuvre du classicisme de Bourdon. Peint pour les appartements de l’Hôtel de Bretonvilliers à Paris, ce tableau était à l’origine encastré dans une boiserie. Ses quatre angles, vierges de peinture, ont été ajoutés pour transformer l’œuvre en tableau de chevalet.
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