Achille parmi les filles de Lycomède

Jan VAN BOECKHORST
XVIIe siècle
17,5 x 23,3 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3562, n°2173).

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Ce dessin flamand inédit illustre un passage de la jeunesse d’Achille, raconté notamment par Ovide dans les Métamorphoses (XIII, 161- 169) et dans un poème épique de Stace dédié à Achille, publié en 1616 par le grand érudit flamand Gevaerts et accompagné de commentaires savants. La mère d’Achille, Thétis, cache son fils sur l’île de Skyros parmi les filles du roi Lycomède pour qu’il échappe à la guerre de Troie. Ulysse et Diomède, sachant que la ville de Troie ne peut pas être prise sans l’aide d’Achille, partent à sa recherche. Pour reconnaître Achille que sa mère a déguisé en fille, Ulysse a comme toujours recours à la ruse : il aborde Skyros grimé en marchand ambulant et propose des colifichets aux jeunes filles. Au milieu des bijoux qui attirent l’attention des filles du roi, Ulysse dissimule une épée, sur laquelle le jeune héros se précipite, dévoilant ainsi son identité.
Dans cette feuille, trois arcs structurent la composition, animée par les figures sveltes et fragiles d’Achille et des jeunes filles du roi, parmi lesquelles se trouve Deidamia, enceinte. Celle-ci, ayant démasqué Achille, lui donnera un fils, Neptomène. Ulysse et Diomède sont en partie cachés derrière une colonne. L’élégante silhouette du jeune Achille est bien visible au centre du dessin. Le jeune héros brandit l’épée du fourreau, montrant ainsi qu’il est prêt à affronter son destin tragique.
Attribué à Diepenbeeck, ce dessin aquarellé revient en fait à Jan van Boeckhorst. Né à Münster en Westphalie, l’artiste se forme chez Rubens à Anvers et devient l’un de ses collaborateurs les plus proches. Il participe notamment en 1635 au décor éphémère de l’Entrée triomphale de l’archiduc Ferdinand[1], sous la supervision de Rubens[2]. Il reste l’un des plus importants peintres flamands du troisième quart du XVIIe siècle et se distingue par ses peintures religieuses et mythologiques. En 1649, il attire l’attention de Michel le Blon, conseiller artistique de Christine de Suède, qui l’appelle « le plus rare peintre d’Anvers, tant pour les portraits, histoire qu’inventions à l’antique »[3]. La feuille de Grenoble est proche du Christ entouré de pécheurs repentis de Boeckhorst, conservé au cabinet d’art graphique de la National Gallery of Art de Washington[4]. Ce dernier dessin est préparatoire à un tableau du même sujet, conservé dans une collection particulière. Dans les deux oeuvres, on trouve la même utilisation de la couleur chatoyante et les mêmes contours curvilignes, négligeant tous les détails. En même temps, les éléments essentiels de la composition sont clairement esquissés.
Boeckhorst se distingue par le grand nombre de peintures consacrées à Achille parmi les filles de Lycomède[5]. On peut en effet comparer l’esquisse de Grenoble avec une de ces compositions, conservée à l’Alte Pinakothek à Munich[6] et entrée dans les collections bavaroises en 1696. L’idée de situer la scène dans une sorte de loggia ouverte se retrouve dans les deux oeuvres. Sur le même sujet, on trouve encore un tableau à Varsovie[7] et un dessin, anciennement dans la collection Benjamin Fillon à Paris[8]. Ce dernier dessin est inspiré d’une composition d’Antoon van Dyck, conservée dans la collection Schönborn à Pommersfelden. Une belle copie de ce tableau est actuellement exposée à Neuburg sur le Danube, dépendance des Bayerische Staatsgemäldesammlungen[9]. Parfois, le nom de Boeckhorst est prononcé pour désigner l’artiste de cette copie mais les indices demeurent trop fragiles pour le confirmer avec certitude[10]. Notons qu’à Grenoble est conservé un dessin anonyme mis au carreau qui reprend exactement la composition du tableau de Van Dyck[11].


[1] Pompus Introitus Ferdinandii.
[2] Le programme de cette entrée triomphale a été conçu par Gevaerts.
[3] Voir Lahrkamp, 1982, p. 9, note 39.
[4] National Gallery of Art, Inv. 1984.3.3 ; Galen, 2012, n° Z. 55.
[5] Beilmann, 1990, p. 133-139.
[6] Alte Pinakothek, Inv. n°136.
[7] Múzeum Narodowe, Inv. n°129966.
[8] Galen, 2012, n°Z 2, repr.
[9] Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Inv. n°1258.
[10] Galen, 2012, n°A 25.
[11] MG D 52.

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