Paysage avec mare et deux canards

Paysagiste d’origine anversoise, Paul Bril est
documenté à Rome à partir de 1582. Comme
son frère Matthias, qui meurt prématurément
en 1583, il travaille pour le pape et pour de
nombreuses grandes familles romaines. Dès
le début du XVIe siècle, les peintres flamands
jouissent en Italie d’une grande réputation en
tant que paysagistes. Les frères Bril figurent
parmi les artistes nordiques qui s’installent
durablement dans le pays, afin de satisfaire
de grandes commandes dans ce genre,
notamment dans le domaine du décor mural.
L’importance de Paul Bril est double : sous
l’influence d’Adam Elsheimer et d’Annibale
Carracci, il peint et dessine dès le début du
XVIIe siècle des paysages plus équilibrés, plus
poétiques et il abandonne progressivement les
massifs rocheux fantasmagoriques et l’amour
excessif du détail. C’est lui qui forme des
artistes comme Willem van Nieulandt, puis
Poelenburgh et Breenbergh. Ainsi prépare-t-il
la nouvelle génération de peintres hollandais
qui se consacrent aux paysages italianisants.
Ses excellentes relations avec les familles
romaines ont grandement aidé les jeunes
artistes talentueux auxquels il prodiguait ses
conseils, favorisant ainsi leur réussite dans la
capitale artistique de l’Europe.
Le paysage de Grenoble est une oeuvre réalisée
dans son entourage, sans doute due à un artiste
nordique. Une feuille conservée au Louvre, une
Gorge rocheuse avec un cours d’eau, se prête bien à la comparaison[1]. Daté de 1623, ce
dessin à la pierre noire et au lavis nous permet
de dater approximativement la feuille de
Grenoble même si cette dernière est de qualité
supérieure. L’artiste s’exerce ici à fondre le premier
plan, le plan médian et l’arrière-plan afin
de donner une vision plus cohérente et unifiée.
Ainsi dessine-t-il un cours d’eau au centre de
la composition et un pont qui crée la liaison
entre les deux rives. Un arbre pittoresque attire
l’oeil du spectateur dont le regard glisse ensuite
sur le tronc d’arbre tombé dans l’eau avant
d’atteindre le centre ensoleillé où l’on distingue
deux promeneurs et où s’envolent deux
canards. La comparaison avec un autre paysage
de Bril réalisé au pinceau et au lavis, conservé à
Manchester[2] et daté de 1614, montre le chemin
parcouru par l’artiste pendant ses dernières
années. Il abandonne les vues traditionnelles
de montagnes aux pentes abruptes pour des
paysages plus plats et vallonnés.
En guidant l’oeil du spectateur pour qu’il
puisse « voyager » par les yeux, l’enchantant
avec de vieux arbres, des eaux limpides et des
montagnes qui se profilent à l’horizon, Bril fait
progressivement évoluer la tradition du paysage
flamand en Italie et encourage les jeunes
artistes à le suivre dans cette voie pour aller
vers davantage de « naturel ».
[1] Musée du Louvre, Inv. no 19.801, voir Ruby, n° 98, repr.
[2] Whitworth Art Gallery, Inv. no D/20/1936, voir Ruby, 1999, n° 78, repr.
Découvrez également...
-
-
-
Masque funéraire d'un jeune homme
IIe siècle - IIIe siècle